Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/465

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— Une heure ? et après ?

— Après ? Il faudra me tenir à la disposition des gardes du commerce.

La malheureuse femme lui mit la main sur la bouche en lui criant, dans le plus grand, désordre :

— Non, non, n’achève pas… Une heure ! et il y a déjà longtemps qu’il est parti ! et dans quelques minutes on viendra te chercher… t’arracher de mes bras, Bergeret !… Oh ! non, je ne veux pas que tu ailles en prison, je ne le veux pas !

Lui l’entourait de ses bras et lui répondait, sombre et résolu :

— Je ne le veux pas non plus, moi.

Elle allait lui crier :

— Tu vas te tuer, tue-moi d’abord !

Mais la prudence lui ferma les lèvres.

Il se serait douté qu’elle avait tout entendu. Il se méfierait d’elle. Elle se tut.

Son mari reprit :

— Voyons, Louise, écoute-moi. On va venir saisir tout ce qui nous appartient, tout ce qu’il y a ici.

— Eh bien ?

— Il ne faut pas que tu assistes à ce triste spectacle. Je ne veux pas qu’on te trouve ici. Quitte cette maison.

Louise le regarda bien en face et lui dit vivement :

— Avec toi… oui… à l’instant, partons !

M. Bergeret fit un geste d’impatience ; mais à la vue du visage désolé de celle qu’il aimait tant, il leva les yeux au ciel et continua :

— Pars avec Claire, avec notre fille. Va chez ta sœur. Je vous y ferai tenir de mes nouvelles au plus tôt.

— Et toi ?

Ces deux mots, dits avec toute la tendresse d’une femme qui connaît sa puissance si longtemps éprouvée, lui donnèrent le frisson.

Il se détourna pour reprendre son sang-froid et repartit :

— Moi… tu le comprends bien… il faut que je me cache…

— Oui !… répondait machinalement la pauvre femme.

— Si je vous suivais, on me trouverait sans peine.

— Oui, oui !… C’est juste !

Et elle sortait des poches de sa robe les écrins qu’elle avait pris dans sa commode.

— Que tiens-tu là ? demanda M. Bergeret.

— Rien ! je ne sais pas… Ah ! oui… répondit Louise presque affolée par la terrible pensée qu’il allait falloir quitter son mari. Mon écrin, mes diamants ! ceux que tu mis dans ma corbeille de mariage.

— Ah ! Et que veux-tu en faire ?

— Ce que je… moi… mais rien… Je te les apportais… Si tu les avais proposés, offerts à cet homme, peut-être aurait-il pris patience… Il en est temps encore… offre-les-lui.

Le mari prit sa femme entre ses bras, et, la pressant contre son cœur, il lui dit :