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— Sauvé !… va !…

Et elle le poussait d’une main.

Mais soudain elle le retint de l’autre.

— Ah ! fit-elle avec un désespoir croissant, mais je m’en souviens… tout à l’heure tu refusais de fuir.

— Tout à l’heure ?

— Oui… ne dis pas non… J’en suis sûre…

— J’ai changé d’idée !

— Tu me le jures ?

— Louise, ouvre cette porte, lui dit son mari avec autorité.

— Bergeret, tu me trompes ! répondit-elle, avec des accents qui eussent déchiré le cœur d’un homme moins résolu.

— Ouvre cette porte, je t’en prie.

La lumière se faisait dans le cerveau de la malheureuse.

— Bergeret, tu mens !

S’armant de toute l’influence qu’il pouvait avoir sur cette créature qui n’avait jamais vécu que par lui et pour lui, il ajouta :

— Louise, ouvrez cette porte, je vous l’ordonne !…

Louise, courbée sous cette volonté respectée, sentit toute résistance se fondre.

Elle se dirigea vers la porte fatale.

Bergeret passa rapidement dans la chambre.

L’enfant regardait, immobile.

La même voix répéta du dehors :

— De par la loi et justice, ouvrez !

Louise allait obéir à l’ordre de son mari, aux injonctions de cette voix redoutable, quand la petite Claire, qui se trouvait près du bureau sur lequel Bergeret avait laissé sa lettre tout ouverte, l’aperçut.

Elle prit la lettre et la porta à sa mère.

Parcourir cette lettre d’un rapide coup d’œil, pousser un cri désespéré et se précipiter vers la chambre de son mari, fut pour elle l’affaire d’une seconde.

Un coup de feu retentit au moment où elle y mettait le pied.

Puis, plus rien !

Pas de cris, pas de pleurs !

Le silence du cimetière.

La mort de l’homme, l’évanouissement de la femme firent succéder un calme profond aux orages, à la tourmente de la scène que nous venons de décrire.

Au bruit du coup de pistolet, après une troisième sommation, les gardes du commerce attaquèrent la porte du fond.

L’enfant, éperdue, pâle, hors d’elle-même, mais cherchant à voir et à savoir, se tenait là entre les deux portes, sans oser entrer dans la chambre de son père, sans vouloir ouvrir aux gens qui faisaient pleurer sa mère !

La porte du salon tomba.

Les recors, qui venaient de l’enfoncer, pénétrèrent dans cet intérieur qui,