— Certes… Eh ! mais, j’y suis !… où diable avais-je la tête, continua le docteur. J’oubliais que cette nuit…
— La nuit dernière ?
— Oui… il m’a amené un blessé.
— Un blessé… ah ! ah ! nous y venons, se disait M. Jules dans son for intérieur… Va toujours ! va toujours ! nous verrons bien comment tu sortiras de là, mon beau troubadour de la trousse.
— Oui, un homme percé de part en part… Je ne sais si je parviendrai à le sauver.
— Voyez-vous cela ! Un assassinat ?
— Non pas.
— Un duel ?
— Oui… du moins c’est ce que ce bon Rifflard m’a dit en me l’amenant.
— Et ce blessé, vous l’avez toujours chez vous ?
— Chez moi.
— Dans votre établissement ?
— Dans cette maison même.
— Où l’avez-vous mis ?
— Comment dites-vous cela ? fit le docteur avec stupéfaction.
— Où l’avez-vous mis, le blessé ?
— Mais… où voulez-vous qu’il se trouve sinon dans un bon lit, entouré de tous les soins exigés par son état ?
— Ah ! bien ! par exemple, je voudrais le voir ! ne put s’empêcher de dire M. Jules, confondu de tant d’audace unie à tant de simplicité.
— Mais, monsieur Jules, Dieu me pardonne, vous me faites subir un interrogatoire. Seriez-vous encore chef de la police de Sûreté, et cacheriez-vous votre jeu ?
— Hélas ! non, monsieur… ma démission a été bel et bien acceptée depuis longtemps déjà. Le gouvernement croit pouvoir se passer de moi… Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit… Excusez-moi et laissez-moi vous avouer que je m’intéresse beaucoup à ce malheureux blessé.
— Vous ! serait-ce un parent ?
— Non pas.
— Un ami ?
— Pas précisément, non plus.
— Alors, je ne vois… continua le docteur Martel.
— C’est à propos de lui que le sieur Rifflard est venu me trouver ce matin à mon agence.
— Venait-il de la part du blessé ?
— C’est cela même.
— De la part de M. le comte de Mauclerc ?
— Précisément.
Le docteur se leva :
— Il fallait donc le dire tout de suite, monsieur
— Mais je ne fais que ça ! cria l’agent.
— Voilà une heure que nous jouons aux propos interrompus