Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/492

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— Oui, c’est cela, tout ému, répéta vivement M. Jules… Vous concevez… On quitte un ami plein de vie et de santé, et l’on ne le retrouve pas impunément à deux doigts de la mort…

— Oui, on est homme, quoique agent de police, continua le plus doucement possible son impassible cicérone.

— Voilà ce que je voulais dire.

— Alors c’est à merveille, et nous n’avons plus rien à faire ici.

— Rien.

— Laissons reposer le malade et sortons.

— Sortons, fit machinalement M. Jules.

Et il suivit le docteur, qui quitta immédiatement la chambre de M. de Mauclerc.

Mais à peine eurent-ils disparu dans le long couloir sur lequel donnaient toutes les chambres des malades, que la religieuse sortit à son tour.

Elle écouta quelques instants, reconnut la direction qu’ils venaient de prendre, et se précipita à leur suite, marchant avec la légèreté d’un fantôme.

Du reste, elle aurait usé de moins de précautions que l’ex-chef de la police de Sûreté ne se fût pas douté de sa présence.

Il en était encore à chercher l’explication de tout, ce qui venait de se passer.

Et comme sa pensée courait facilement d’un sujet à un autre, tout en cherchant la clef de cette énigme il ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi le blessé l’avait prié de se rendre auprès de lui.

— Ah ! les mâtins ! murmurait-il, ils nie donnent du fil à retordre ! Tiens ! par où passons-nous donc ? Nous ne prenons pas le même chemin que tout à l’heure.

En effet, le domestique qui les précédait, le candélabre à la main, leur faisait suivre une voie plus directe.

En deux fois moins de temps qu’ils n’en avaient mis pour arriver à la chambre du comte de Mauclerc, ils se retrouvaient à l’entrée du salon de réception.

Quelque bouleversé qu’il fût par la scène à laquelle il venait d’assister, l’ex-agent remarqua cette particularité.

Seulement, cette fois, le docteur Martel et M. Jules n’étaient plus seuls dans ce salon.

Deux personnes s’y trouvaient aussi, deux ouvriers endimanchés.

La première, Rifflard, l’ouvrier cambreur, se tenait devant la cheminée.

M. Jules le reconnut facilement ; la lumière du lustre donnait sur lui, en plein visage.

La seconde personne s’était placée dans un angle obscur de la pièce.

Elle disparaissait dans l’ombre.

L’agent, dont toute l’attention était attirée sur son visiteur matinal, ne se donna pas la peine d’examiner ce second personnage.

Il s’avança vers l’ouvrier cambreur et lui dit :

— On vous revoit donc, vous ?

— Si ma présence vous gêne, monsieur Jules, il faut le montrer. On s’en ira.