Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/493

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— Moi ? pas du tout. Vous m’expliquerez peut-être…

— À votre service, répondit l’ouvrier cambreur. Quoi, s’il vous plaît ?

— Mais… rien du tout, repartit l’ex-agent après réflexion.

— C’est fait, dit Rifflard en riant. Si vous n’êtes pas plus exigeant que cela, il ne sera pas difficile de trouver chaussure à votre pied.

— Oui, ricane, ricane, pensait M. Jules, mon tour viendra.

M. Jules vient de voir le blessé que vous m’avez ramené cette nuit, mon bon ami, dit le docteur Martel, s’adressant à Rifflard.

— Ah !

— Oui, je l’ai vu ! grommela l’ex-agent.

— Malheureusement, l’état de ce dernier ne lui a pas permis de communiquer avec son visiteur.

— Pas de chance ! fit Rifflard avec une expression de regret qui dut aller au cœur de l’ex-agent.

— Je reviendrai, ajouta celui-ci.

— Toutes les portes vous sont ouvertes, à dater, d’aujourd’hui, cher monsieur… Je donnerai des ordres pour que vous soyez admis en présence de M. de Mauclerc, dès que son état lui permettra de vous recevoir.

— Sera-ce long ?

— S’il ne se présente pas de nouveaux accidents, j’estime que dans sept ou huit jours, le blessé sera à même de vous donner tous les renseignements désirables.

— Huit jours ! Enfin !… s’il le faut… Il le faut ! n’est-ce pas ?

— Le pauvre diable est joliment accommodé ! murmura Rifflard en manière d’aparté.

— Oh ! je le vengerai ! s’écria M. Jules, qui posa sa main sur l’épaule de l’ouvrier cambreur.

Celui-ci se laissa faire le mieux du monde.

— Une confidence ? dit-il.

Et il tendit l’oreille, en se faisant un cornet de sa main droite.

Avant de lui répondre, l’ex-agent se tourna vers le docteur Martel, comme pour lui demander la permission de traiter devant lui une affaire qui le concernait aussi peu.

Le docteur fit un geste qui signifiait :

— À votre aise. Agissez comme dans votre propre bureau.

M. Jules prit un dernier temps, et cherchant à dominer du feu de son regard le malheureux artisan qui se trouvait placé sur sa route, il reprit :

— Écoute, mon petit…

— Vas-y, mon gros, répondit avec le plus grand calme Rifflard, qui rendit politesse pour politesse et tutoiement pour tutoiement.

— Hein ?

— J’ai dit : Vas-y, mon gros. Ce n’est pas de l’hindoustani, ça. Tu me traites en camarade, mon bon Jules, il paraît que nous avons gardé n’importe quoi ensemble. Je ne suis pas difficile, continue.

L’ex-agent se mordit les lèvres et continua :

— Bien. Je suis mouché et remouché ! Il n’y a rien à frire avec vous, l’ami !