Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/495

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— C’est gentil, ça !

— Mais vous allez m’apprendre dans quel but vous m’avez monté un si rude coup ?

Le docteur Martel s’était assis.

Le personnage muet qui assistait également à cette scène, se tenant toujours dans l’ombre, fit un mouvement.

Rifflard le contint du geste, tout en répondant à son antagoniste :

— Mon cher monsieur, permettez-moi de vous assurer que je ne comprends pas un mot de tout ce que vous me dites là ! Je ne vous ai pas monté le moindre coup, comme vous l’avancez pittoresquement…

— Pittoresquement ! monsieur Rifflard, interrompit l’autre avec ironie.

— Je ne suis pour rien dans tout ce qui vient de se passer ici, en supposant qu’il se soit passé quelque chose.

— Charmant !

— On m’a donné une commission. Je l’ai faite. Vous étiez prié de venir visiter M. le comte de Mauclerc, vous l’avez visité. Le malheur a voulu que les blessures de ce monsieur fussent trop dangereuses pour vous laisser communiquer verbalement avec lui. Qu’y puis-je ? En quoi suis-je votre ennemi ? Où voyez-vous un piège tendu ? Que me reprochez-vous enfin ?

— Ce que je vous reproche ?

— Oui, parlez !

M. Jules fit un violent geste de colère, mais apercevant le sourire sardonique qui pointait sur les lèvres du docteur Martel, et reconnaissant qu’en somme il lui eût été fort difficile d’articuler un grief quelconque contre l’ouvrier cambreur, il réprima sa rage et repartit de son ton le plus calme :

— Ah ! c’est comme ça ! eh bien ! l’ami, vous avez tort.

— Moi ! demanda Rifflard, de son visage le plus étonné.

— Vous-même. On me pince une fois, mon petit père, mais deux, nisco. Je ne suis pas un imbécile. De plus malins que vous s’y casseraient les’quenottes.

— Je ne vous ai jamais pincé, mon brave homme. C’est un divertissement que je n’ai pas le moindre désir de me payer.

— Bien ! bon ! bien ! allez toujours. Je mettrai toutes les pierres dans la même brouette… Mais, cré nom ! le jour de l’échéance, s’il y a quelques centimes de plus dans l’addition, il ne faudra pas que ça vous étonne.

— Monsieur Jules daigne m’honorer de ses menaces… dit l’ouvrier ; que monsieur Jules veuille prendre la peine de réfléchir à toute l’inconvenance de sa conduite. Le salon de réception du docteur Martel n’est pas, que je sache, le cabinet d’affaires de la rue des Noyers. M. Jules oublie sans doute que…

Ici le docteur intervint.

— Laissez, mon cher Rifflard, fit-il, laissez cet homme s’expliquer à son aise.

— Cet homme ! cria l’agent. Comment ! cet homme ?

— Je ne serais pas fâché, continua l’autre, de finir par comprendre ce qu’il est venu chercher céans.

Puis se tournant vers M. Jules, qui ne s’était jamais trouvé de sa vie à pareille fête, il ajouta :