Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/511

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— Oui ! oui ! oui ! Bon ! bon ! boni Zigzaguez ! bifurquez ! pataugez ! vous ne me ferez point prendre une fausse piste !

— Encore !

— Cher monsieur, répéta l’ex-chef de la police de sûreté, vous êtes membre de la Société des Invisibles.

— Honoraire ou titulaire ?

— Un des chefs peut-être de ces Protées insaisissables…

— Insaisissables… repartit ironiquement Rifflard. Les insaisissables… c’est aussi ronflant que les Invisibles !

— Oui, riez, riez ! Je suis sûr de mon affaire.

— Avouez, mon bon monsieur Jules, que vous vous donnez beaucoup de mal pour peu de bien ?

— Ce qui signifie ?

— Que, si cette Société existe…, la première chose à faire est de connaître le but vers lequel tendent ses efforts.

— En effet.

— Le connaissez-vous, ce but ?

— Pas tout à fait.

— Pas du tout.

— Pourquoi ça ?

— Pourquoi, monsieur ? Parce que, si vous le connaissiez, dit l’ouvrier cambreur avec tant de hauteur et de sérieux que l’ex-agent perdit de sa superbe et de son assurance, si vous le connaissiez, vous n’en parleriez pas si haut en plein boulevard, au risque de prononcer le dernier mot qui dût échapper de vos lèvres.

— ein ? une menace ! Nom d’un tonnerre ! J’ai fait serment de vous démasquer, vous et les vôtres ; je réussirai à tenir ce serment, ou j’y laisserai ma peau.

— Qui en voudra ? fit tranquillement son compagnon.

M. Jules s’arrêta.

— Rifflard, voulez-vous être des miens ?

— Bien. Voici que vous me proposez une infamie, à présent. Ce qui est très bête.

— Parce que ?

— Parce qu’en supposant que je sois ce que vous pensez, si je suis assez lâche pour trahir MM. les insaisissables ou les invisibles, comme il vous plaira de les appeler, il n’y a aucune raison de croire qu’à un moment donné je ne vous trahirais pas en faveur de ces messieurs.

— Oui, mais moi, je vous repincerai.

— Croyez-vous qu’ils aient la main moins longue que vous ?

— Ainsi, vous refusez mon offre ?

— Avec enthousiasme.

— N’en parlons plus, monsieur Rifflard, dit l’ex-agent d’une voix brève et cassante… Seulement, à l’avenir, prenez mieux vos précautions quand vous voudrez bien m’honorer de vos visites.

— Ah ! ah ! vous m’avez fait suivre ?