Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/512

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— Un peu, mon cousin. Il faudrait recommander à vos amis et connaissances de ne pas décliner si souvent vos grades et qualités.

— Déclinez-m’en un.

— Au hasard ? fit M. Jules en souriant d’un air triomphateur.

— Un seul.

— Je pourrais vous faire droguer plus longtemps, mon cher capitaine… vous m’entendez bien… mon cher capitaine…

— Ah ! ah ! vous êtes instruit de cela…, murmura l’ouvrier, dont l’œil lança un éclair fauve.

— De cela et d’autres détails encore qui pourront vous gêner à la longue.

— Pourquoi me dites-vous cela ? demanda négligemment le compagnon de l’ex-agent.

— Pour ne point passer pour un vantard, pour un Gascon, afin que, à l’avenir, vous fassiez plus de cas d’un homme qui voulait être votre ami, et dont vous venez de gagner l’inimitié.

Rifflard réfléchit un moment, puis de sa voix la plus tranquille :

— C’est un tort.

— Expliquez-vous.

— Vous prétendez devoir nous gêner dans toutes nos entournures ?

— Je ferai mon possible.

— Si vous devenez gênant, on vous supprimera.

— Hein ? s’écria M. Jules avec un haut-le-corps de retraite.

— On vous supprimera.

— Hop là ! sautez, muscade ! répondit l’ex-agent en prenant le fausset d’un escamoteur forain. Ainsi, vous avouez ?

— Oui.

— Vous convenez de tout ?

— Oui.

— Vous êtes un invisible ?

— Rifflard ou capitaine, à votre choix.

— Nous nous retrouverons en temps et lieux opportuns.

— Plus tôt que vous ne le pensez, maître juré-mouchard, fit le compagnon de M. Jules en lui serrant le bras à le lui briser.

— Eh ! là-bas ! pas si fort ou je cogne.

— Essayez.

L’ex-agent se secoua de son mieux.

Rien n’y fit.

Malgré sa force herculéenne, l’étau qui l’enserrait ne lâchait pas prise.

M. Jules se mit à rire jaune et demanda merci en plaisantant.

— Souvenez-vous bien, lui fut-il répondu, qu’un jour vous demanderez sérieusement grâce et merci, mais que ce jour-là il me sera beaucoup plus difficile d’accéder à votre demande.

— J’ai bonne mémoire.

— Ne continuez pas. Voilà une phrase qui vous a porté malheur déjà aujourd’hui, chez le docteur Martel.