Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/515

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sement de projets purement humains, à la réalisation de desseins philosophiques, sociaux, mais terrestres ; qui, par la multiplicité de ses occupations, ne trouvait pas un instant où il pût élever son âme jusqu’à Dieu, cet homme, que le hasard faisait traverser le saint lieu ; sentit une force irrésistible l’entraîner loin de cette vallée de misères.

Il oublia, soudainement, le but vers lequel tendaient ses efforts gigantesques.

Il fit litière des moyens, hors la loi, hors la société, employés par lui pour arriver à une fin digne de la grande association dont il était le chef.

Il mit le pied sur ses souvenirs éloignés, sur ses inquiétudes récentes, et regardant face à face l’image de ce Dieu qui semblait lui dire : « Marche, marche, agis et triomphe en mon nom ! » il se sentit humble, petit, chétif, devant son créateur, mais puissant et plein de force contre les créatures sorties du droit chemin.

Une courte, une ardente prière, monta de son cœur à ses lèvres.

Ce devoir accompli, le comte de Warrens traversa la nef.

Aucun des fidèles, absorbés dans leurs pratiques religieuses, ne se retourna et ne prit garde à lui.

Il sortit par le côté de l’église opposé à celui par lequel il venait d’entrer.

Prenant ensuite la rue de la Ville-l’Évêque, il tourna dans la rue d’Astorg, et s’engagea dans la rue Roquépine.

Personne ne le suivait.

Sûr de sa solitude, le comte de Warrens marcha rapidement jusqu’à un mur élevé.

Dans ce mur était enclavée une porte basse, barrée, cadenassée et qui semblait n’avoir, depuis longues années, donné accès à âme qui vive.

Le comte s’arrêta, explorant une dernière fois la rue du regard.

Nul passant ne longeait les trottoirs ni la chaussée.

Rien de suspect.

Il frappa deux coups légers, assez espacés, et il attendit.

Un grincement de clef se fit entendre dans la serrure.

Il frappa trois autres coups, plus violents, avec précipitation.

Une voix murmura à l’intérieur :

— Noël ?

— Edmée ! répondit-il.

La porte s’ouvrit sans le moindre bruit.

Le comte de Warrens se glissa dans l’entrebâillement et la porte se referma sur lui.

Il se trouvait dans un parc ombreux, malgré la saison.

Ce parc dépendait du corps de logis principal de la maison sise rue d’Astorg, n° 35.

C’était dans ce corps de logis mystérieux, hermétiquement clos, aux apparences pleines de vétusté et de solitude, que certains locataires de la maison gardée par le père Pinson, avaient cru voir, à travers les fissures des volets fermés, des lueurs fantastiques aux heures les plus avancées de la nuit.

Mais le comte n’était pas seul.