Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/559

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Le pouls battait encore.

Pas de sang sur l’homme évanoui.

L’ex-chef de la police de sûreté respira de ce côté-là.

Sa défaite n’était peut-être pas aussi complète qu’il l’avait jugée de prime abord.

Il se fit reconnaître par le commissaire de police, auquel il essaya d’expliquer ce qui venait de se passer à sa manière, c’est-à-dire le moins véridiquement possible.

Le commissaire lui répondit froidement :

— Désolé, monsieur Jules, de ce qui vous arrive. Mais, je n’ai pas besoin de vous le dire, l’acte que vous avez tenté d’accomplir est en dehors de la légalité.

— Après ? demanda l’autre avec effronterie.

— Vous n’aviez pas qualité pour agir ainsi que vous avez agi.

— On sait ça.

— Vous vous êtes placé dans une très mauvaise position. L’affaire est très grave. Je me vois obligé de…

— De m’arrêter, pas vrai ?

— Vous l’avez dit. Vous vous expliquerez avec M. le préfet.

— Soit, répliqua avec mauvaise humeur l’ex-agent, qui avait trop longtemps appartenu à la police pour ne pas reconnaître la justesse de cette argumentation. Mais, mon cher ami, ne vous imaginez pas avoir trouvé la pie au nid, ajouta-t-il en frappant familièrement sur l’épaule du commissaire ; M. le préfet m’absoudra, j’en suis certain.

— Je le souhaite pour vous, monsieur Jules, répliqua l’autre.

— Vous êtes bien bon, je vous remercie, fit l’ex-agent en saluant ironiquement. Un mot encore, s’il vous plaît.

— Vingt, si vous voulez.

— Avez-vous pensé à faire garder les issues de cette maison ?

— Pourquoi me demandez-vous cela ? interrogea le commissaire de police en souriant avec défiance.

— Comment ! pourquoi ?… Ah ! j’y suis : vous vous imaginez que c’est pour mon propre compte que je vous adresse une question ?

— Dame !

— Non. Répondez d’abord ; je m’expliquerai ensuite. Avez-vous fait surveiller les issues ?

— Toutes.

— À merveille ; rien n’est perdu. Ceux qui nous ont mis à même de nous étriller si durement les uns les autres seront malins s’ils parviennent nous échapper.

— De qui parlez-vous ? continua le commissaire de police.

— Des individus que je voulais coffrer.

— Leur nom ?

— Les Compagnonsde la Lune.

— Les Invisibles… ou une partie des Invisibles ? demanda le commissaire en tressaillant.