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Tout en faisant cet aparté, il se dirigea machinalement vers la glace qui surmontait une cheminée étroite et basse.

Il devait être venu bien souvent dans cette salle secrète du Restaurant Basset, puisque, malgré la profonde obscurité qui y régnait, il appuya sans la moindre hésitation l’extrémité de son index sur une des rosaces latérales du cadre.

La cheminée se conduisit comme s’était conduit le bahut du cabinet voisin.

Un pan de mur se détacha d’un seul bloc, tourna sans bruit sur lui-même et démasqua les taillis touffus d’un admirable jardin d’hiver.

Martial passa vivement au travers de l’ouverture béante.

Le pan de mur reprit aussitôt sa place, sans qu’il fût possible à l’œil de l’investigateur le plus habile d’apercevoir une ligne suspecte, une solution de continuité quelconque.

Martial regarda l’heure à sa montre.

Il était trois heures précises.

— J’arrive à temps, se dit-il.

Il se dirigea vers un milieu lumineux encore assez éloigné de cette extrémité de la serre et d’où lui arrivaient par échappées les sons d’un orchestre harmonieux.

Au moment où il tournait un massif d’arbres exotiques lui masquant la vue des brillantes illuminations qui faisaient ressembler cette serre et les salons sur lesquels elle donnait à un palais vénitien du bon vieux temps, une main légère se posa sur son épaule, et une voix amie lui murmura doucement à l’oreille :

— Vous arrivez bien tard ! On vous attend, mon cher colonel.


III

UN BAL À L’HÔTEL DE WARRENS

Nous l’avons dit, le comte de Warrens, possesseur d’une fortune immense, porteur d’un grand nom, occupant une haute position dans la diplomatie, sans songer à la politique autrement qu’à ses heures, avait eu, dès le premier jour, ses grandes et petites entrées dans le Paris aristocratique et dans le Paris financier.

Les portes si soigneusement closes, d’ordinaire, du noble faubourg, et celles si facilement, si grandement ouvertes des faubourgs Saint-Honoré et de la Chaussée-d’Antin, ne se trouvèrent point avoir de battants pour lui.

Partout, il se vit accueilli avec les plus séduisants sourires ; partout avec les avances les moins déguisées.

M. de Warrens, gentilhomme de high life, avait répondu sans se prodiguer, mais avec politesse, à ces avances hospitalières.