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— Viens donc, et souviens-toi qu’en cas de besoin, tu n’as qu’à m’appeler. Si j’ai mes jambes, j’arriverai.

— Ce n’est pas de refus, mon oncle, dit Mouchette en riant, et à jambes de revanche.

Après avoir jeté un dernier coup d’œil sur la créole et sur le métis, qui naturellement ne bougeaient ni plus ni moins que deux souches, la Cigale et Mouchette quittèrent l’allée sombre et étroite où ils avaient dressé leur embuscade.

Peu d’instant après, la Cigale et Mouchette étaient rentrés dans l’hôtel de l’Espagnol et ils rejoignaient les quatre autres débardeurs dans le salon où nous avons laissé le débardeur noir, le lilas et le bleu.

Le ponceau y était déjà revenu, de son côté.

Seulement, à leur arrivée, ces quatre personnages achevaient de mettre bas leurs costumes, et de revêtir des vêtements bourgeois dans les poches desquels se dissimulaient mal des crosses de pistolets et des manches de poignards.

La comtesse de Casa-Real ne s’était pas trompée.

Le comte de Warrens se trouvait, en effet, parmi eux.

Les quatre autres étaient : Sir Harry Mortimer, Martial Renaud, San-Lucar et la Cigale.

Inutile d’ajouter que, grâce à de rapides substitutions et à d’adroits changements de costumes, les cinq débardeurs avaient réussi à dépister la jalouse curiosité de la créole.

Dès qu’il aperçut son fidèle, le comte de Warens lui enjoignit de les imiter.

La Cigale quitta son costume et s’habilla en ouvrier.

Mais en faisant les mouvements nécessaires à une pareille opération, la Cigale démasqua le fils de la Pacline, qui se tenait timidement dans son ombre.

— Qu’est-ce que cela ? firent deux ou trois des Invisibles.

— Ça… mais… mais…, répondit le géant se remettant à bégayer selon son immuable habitude, — toutes les fois qu’il se trouvait en présence de son capitaine, mais… c’est… c’est… Mou… mouchette, ajouta le diablotin de sa voix la plus claire… Mouchette.

— San-Lucar et Mortimer adressèrent un geste d’interrogation à leur chef.

Le comte de Warrens s’approcha du gamin, et lui posant la main sur la tête.

— Enfant, tu sais à quoi tu t’exposes, n’est-ce pas ?

— Deux et deux font quatre ! répondit Mouehette,

— Tu as déjà été autorisé par un des nôtres à suivre la Cigale, dans son aventure de la maison qui se trouve en face de celle-ci.

— Par monsieur, fit le diablotin en désignant le colonel Renaud, qu’il venait de reconnaître à quelques mots prononcés par lui à voix basse.

— Petit diable ! murmura Martial Renaud, je réponds de lui.

— Et moi aussi, ajouta vivement la Cigale.