Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/585

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— Bon ! c’est bien fait pour moi. Je n’ai que ce que je mérite.

Ce petit incident, rapide comme l’éclair, une fois vidé, M. de Warrens ajouta :

— À coup sûr, demain, des recherches seront minutieusement faites dans le cabaret, dans le restaurant et dans les lieux y attenant. Nous les dépisterons toutes. Pour cela, il n’existe que trois moyens : traverser les airs comme les oiseaux.

Ousqu’est mon ballon ? murmura l’incorrigible gamin.

— Fendre l’eau comme les poissons, continua le comte.

— Des nageoires à la glace ! Merci, pensa Mouchette.

— Ou cheminer sous terre.

— À l’instar des taupes de Lyon, murmura l’enfant.

— C’est le troisième moyen que j’ai choisi, messieurs. Notre voyage s’effectuera sous terre ; il se terminera dans la cour même de la maison de Belleville où nous voulons nous rendre.

— S’il compte sur mes crocs pour creuser cette taupinière-là, fit Mouchette à l’oreille de la Cigale.

— Chut ! répondit l’autre, qui allongea une seconde pichenette, sœur majuscule de la première.

Mais cette fois l’embryon était sur ses gardes.

Il l’évita et se remit à l’écouter de plus belle, avec son plus magnifique sang-froid et son air le plus innocent.

— Mais ce voyage, où commencera-t-il ? demanda San-Lucar.

— Dans la cour du restaurant que nous venons de quitter.

— Dans la cour du Lapin courageux ?

— Précisément. Je vous étonne, messieurs, et vous vous demandez si ma proposition n’est pas une fanfaronnade ou une illusion. La chose est simple pourtant.

— Simple ! s’écria le colonel Renaud en hochant la tête avec incrédulité, malgré toute sa foi en son frère.

— Avez-vous entendu dire que jadis il y avait un ruisseau descendant de Ménilmontant dans Paris !

— Oui, répondit Mouchette. Connu ! connu !

On rit, mais il n’y eut pas d’écho à l’affirmation émanée du gamin.

— Ce ruisseau, ajouta le chef des Invisibles, fut voûté, puis changé en égout par l’édilité parisienne. Eh bien ! ce ruisseau existe toujours.

— Après ? interrogea Martial Renaud.

— À force de recherches, d’or et de temps, vos chefs ont découvert que ce ruisseau-égout aboutissait dans la cour même du père Tournesol d’un côté, et que de l’autre il donnait dans un enclos faisant partie de la maison de Belleville.

— Quelle chance ! grommela Mouchette.

— La découverte providentielle que nos ingénieurs ont faite ne laisse pas que d’être étrange par elle-même, mais ce qui vous paraîtra plus étrange encore, c’est l’ignorance complète de ces deux issues dans lesquelles se trouvent les propriétaires des deux demeures susdites. Cette ignorance est notre