Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/611

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rurgien au sérieux ; je n’ai plus qu’un trou à boucher, et après cela je vous promets que tout ira le mieux possible ; vous verrez ; parole !

— Merci de vos soins, mon enfant… Je me sens beaucoup mieux, et…

— Et taisez-vous donc… et attendez… et vous parlerez plus tard… Sapristi ! vous allez défaire mon ouvrage… ce ne serait pas amusant de recommencer, voyez-vous.

L’inconnu sourit et repartit :

— Il faut cependant m’apprendre…

— Rien du tout… Vous v’là pansé… Pouvez-vous tenir sur vos guibolles ?…

— Quoi ?

— Sur vos jambes… Ne faites pas attention, on ne me prend pas souvent à parler cette langue étrangère avec des étrangers… Voyons, reprenez-vous votre assiette ?

Le blessé se souleva ; puis, après deux ou trois efforts surhumains, sa faiblesse l’emporta sur son courage et sur sa volonté.

Il retomba.

Le sang qu’il avait perdu en trop grande quantité le mettait dans l’impossibilité de se soutenir.

— Hum ! je m’en doutais, c’est dur tout de même ! fit Mouchette, qui lui passa le bras autour du corps et lui tendit une gourde. Essayez de ma tisane et puis nous recauserons.

L’inconnu avala deux ou trois gorgées d’eau-de-vie.

Puis il se redressa résolument.

— Descendons ! dit-il avec fermeté.

Et il voulut monter sur le rebord du puits.

— Minute ! s’écria le gamin, comme vous y allez, mon camarade ! Descendons est bientôt dit, mais ce ne sera facile à faire que si vous m’obéissez comme un mioche de huit ans.

— J’obéirai, soit ; mais dépêchons. On m’attend là-bas.

— Et moi donc… Croyez-vous qu’on ne m’attende pas ? Je suis monté ici sans échelle ni escalier, pour venir à votre recherche, mon brave ; mais j’étais tout seul, je n’avais pas avec moi un homme troué, sous toutes ses faces.

Le blessé répéta avec stupeur :

— Sans échelle ?

— Oui, ça vous étonne ? Il n’y a pas de quoi. Tenez, asseyez-vous là-dessus ou là-dedans, comme il vous plaira.

Tout en parlant, Mouchette avait posé le seau sur la margelle.

L’inconnu s’y installa de son mieux, les jambes pendantes et les mains accrochées à la double chaîne.

Avec le plus grand sang-froid, Mouchette tira une corde de sa poche et il l’attacha par le milieu du corps à la chaîne de droite.

— Que faites-vous ? demanda le blessé.

— Je vous cale, mon bon, n’ayez peur.

— Je me sens assez de force pour me retenir…

— Oui… oui… on croit ça, et puis, on tombe sur la tête de Nononcle…