Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/629

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— Diable !

Et Kirschmark ne sachant plus où donner de la tête, se leva, puis s’assit de nouveau.

— Vous en êtes sûr, duc ?

— Sûr.

— Ah ! vous aviez raison ; la terre tremble sous nos pieds. Que faire ?

— Attendez donc.

— Encore ?

— Il y a autre chose.

— Mort de ma vie ! vous vous moquez de moi, hurla Kirschmark, hors de lui.

— Je le voudrais bien, mon bon ami, repartit froidement le faux duc de Dinan.

— Qu’y a-t-il, voyons, dépêchez ! Vous me faites bouillir le sang.

— Calmez-vous et écoutez.

— Parlez ! parlez ! Qu’est-ce ?

— L’enfant vendue à des bohémiens…

— Encore cela !

— La fille de…

— Silence, donc !… ne nommez personne non plus, vous… achevez… voyons… cette petite ?… cette enfant ?…

— Cette enfant vendue par l’entremise de…

— Oui… oui… Après ?

— Elle est à Paris.

— Aussi ! C’est impossible !

— L’homme que vous savez l’a vue !

— Et il n’a rien fait ?

— Rien.

— Pourquoi ?

— Il a perdu sa trace.

— Le diable s’en mêle ! murmura rageusement le baron de Kirschmark, qui allait de long en large d’un bout de la chambre à l’autre, en proie à une agitation invincible.

Le duc, renversé sur le dossier de son fauteuil, suivait en dessous tous les mouvements de son complice.

— Mort de ma vie ! Des mesures si bien prises ! murmurait ce dernier.

— Des demi-mesures seulement.

— Comment ?

— Sans doute.

— Je ne vous comprends pas.

— C’est bien simple, pourtant ; mon cher baron, dans les circonstances sérieuses de la vie, il ne faut se laisser arrêter par aucune considération.

— Vous voulez dire ?…

— Que nous avons eu le cœur trop tendre. Vous le savez comme moi. Les morts seuls ne reviennent pas ; ne parlent, ne trahissent pas.

— Oh ! si c’était à recommencer ! dit Kirschmark en serrant les poings.