Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/631

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— Allez ! allez ! pendant que vous y êtes !…

— Ne riez pas, baron ; je vous le jure, il n’y a pas de quoi rire.

— Je vous trouve charmant, mon cher général. Vous me cassez bras et jambes, puis, quand vous me voyez couché par terre tout de mon long, vous me criez : Casse-cou !

— C’est à peu près cela, fit ironiquement le faux duc de Dinan ; seulement…

— Seulement quoi ?

— Seulement, vous feriez mieux de m’écouter et de m’interroger, plutôt que de bavarder comme une vieille femme ?

— Merci. Voyons, qu’y a-t-il encore ?

— Avez-vous entendu parler d’une redoutable association, que les polices de tous les États de l’Europe cherchent vainement à découvrir et à détruire ?

— L’association des Invisibles ! dit le baron avec un tressaillement de terreur.

— Précisément.

— Eh bien ! qu’y a-t-il de commun entre nous et les Invisibles ?

— Rien…

— Ah ! vous le voyez…

— Et tout.

— Ce qui signifie ?

— Que les Invisibles se sont constitués les auxiliaires de nos ennemis.

— Vous avez des preuves ? demanda Kirschmark, en proie à une agitation extrême.

— En mains.

— Depuis longtemps ?

— Depuis ce matin.

— Il fallait m’avertir sur-le-champ.

— Ne vous ai-je pas donné rendez-vous dans ce but ?

— Oui… pardon !… Qui vous a remis ces preuves ?

— L’homme qui mieux que personne pouvait se les procurer ; celui dont plusieurs fois déjà nous nous sommes servis.

— Monsieur Jules.

— Monsieur Jules, oui, qui possède trop de secrets nous concernant.

— C’est vrai. Comment a-t-il découvert ?…

— Qu’importent les moyens employés par lui ? Il a découvert l’alliance de nos ennemis mortels, les Dinan, avec ces condottieri invisibles, insaisissables. N’en demandons pas plus.

— Si cela est…, s’écria le baron avec un profond accablement, si cela est…

— N’en doutez pas.

— Je ne vois pas trop comment nous nous tirerons de là.

— Vous êtes homme de ressource ; cherchez, baron, et vous trouverez.

— Je ne trouverai rien, duc ; c’est la première fois que je m’incline devant une situation difficile. N’ayant que la famille des Kerouartz contre nous, j’aurais lutté, j’aurais vaincu avec votre aide. Mais que faire contre ces démons qui sont partout et qu’on ne trouve nulle part, dont le bras s’étend sur toutes les parties du globe, qu’on ne peut fuir ni attaquer ? Que faire ? que faire ?