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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/632

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La porte de la chambre s’ouvrit brusquement.

Une femme parut sur le seuil.

Cette femme, enveloppée dans les plis d’un long burnous blanc, avait le visage recouvert d’un voile épais.

À la demande deux fois répétée du baron de Kirschmark, elle répondit ce seul mot :

— M’écouter.

Les deux hommes se retournèrent effarés.

Le banquier n’eut pas la force de se lever sur ses jambes tremblantes, tant la commotion reçue par lui et provenant de cette intervention imprévue avait été violente.

L’ancien soldat bondit vers l’inconnue et mit la main sur la crosse de ses pistolets.

L’inconnue l’arrêta d’un geste empreint d’une suprême autorité.

— Monsieur le duc de Dinan, revenez à vous ! lui dit-elle.

— Qui êtes-vous ? lui demanda-t-il d’une voix rauque.

— Votre alliée.

— Que voulez-vous ?

— Vous sauver.

Le général la regardait avec stupeur.

Kirschmark, qui cherchait à se remettre de son effroi, dit timidement :

— Comment madame s’est-elle introduite ici ?

— J’y suis, cela doit vous suffire, mon cher baron.

— Montrez-nous votre visage, au moins. Retirez ce double voile.

— Vous me connaîtrez plus tard… à l’œuvre.

— Enfin, que prétendez-vous exiger de nous ? interrogea impatiemment le général.

— Je vous l’ai dit, je prétends vous servir dans vos projets.

— Et ?…

— Et j’exige votre concours le plus actif pour mener ces projets à bonne fin.

— Vous savez donc ?…

— Tout. J’ai entendu votre entretien depuis le premier jusqu’au dernier mot.

Les deux hommes se consultèrent du regard.

Elle continua sans prendre garde aux signes qu’ils se faisaient :

— Vous n’avez plus de secrets pour moi. Une dernière fois, je vous propose mon aide et mon alliance.

— Et si nous refusons ?

— Vous aurez une ennemie de plus acharnée à votre perte, articula-t-elle nettement.

Tout en causant avec l’inconnue, le duc de Dinan avait manœuvré de manière à se placer entre elle et la porte, à lui couper la retraite.

Il y était parvenu.

Aussi, en réponse à sa dernière menace, il lui dit avec ironie :

— Vous ne serez ni pour ni contre nous, ma belle.