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— Volontiers, répondit Kirschmark.

Peu d’instants après, tous les engins de guerre qui garnissaient la ceinture du faux duc de Dinan avaient rejoint les revolvers du banquier.

— Là, causons raison maintenant.

Sermonné à outrance par le banquier, tremblant pour sa peau et pour ses millions, le général consentit à se calmer et à écouter ce qui allait se dire entre lui et leur adversaire victorieux.

Mais il était écrit que, cette nuit-là, le baron de Kirschmark et le prétendu duc de Dinan n’auraient pas le mot de la charade qui se jouait autour d’eux.

Ils s’étaient vus, peu d’instants auparavant, dans l’obligation de courber la tête sous les exigences de la comtesse de Casa-Real.

Ils se voyaient, à présent, forcés de passer sous les fourches caudines du chef des Invisibles.

Et cela sans se douter, en quoi que ce fût, du motif qui leur avait suscité ces redoutables ennemis.

Pour les Invisibles, à la rigueur, les deux complices comprenaient leur apparition, en qualité d’alliés des vrais Dinan de Lestang, quoique à tout prendre ils ne se rendissent pas un compte exact de l’intérêt propre que les membres de cette société pouvaient avoir dans cette restauration tardive.

Quant à ce qui concernait la créole, ils jetaient, selon le pittoresque langage de maître Mouchette, leur langue aux chiens.

Il était donc écrit qu’ils ne sauraient rien.

En effet, à l’instant même où Passe-Partout ouvrait la bouche pour entamer le premier article de leur traité, un sifflement aigu se fit entendre.

Le cri de ralliement s’échangea entre un des porte-lanternes et le siffleur mystérieux.

Le mot d’ordre fut donné.

Passe-Partout se tut et se leva vivement.

Il sentait planer sur sa tête un orage imprévu.

Il allait appeler, questionner ses sentinelles, quand une ombre falote bondit au milieu du kiosque.

— Mouchette ! murmura le chef des Invisibles.

— Moi, patron !

— Qu’y a-t-il, mon enfant ?

— Je puis parler ? fit le gamin en montrant le baron et le général, qui ne savaient pas à quel saint se vouer.

Leur position tournait toujours dans un cercle tellement vicieux qu’il leur était impossible de s’intéresser à un parti plutôt qu’à l’autre.

Il y avait réellement de quoi se donner au diable !

Cette maison isolée, cette retraite où nulle âme vivante ne pénétrait trois cent soixante-quatre jours sur trois cent soixante-cinq, devenait un rendez-vous général, le jour même qu’ils avaient choisi pour régler définitivement leur position respective.

À la question de Mouchette, Passe-Partout répondit avec son inaltérable sang-froid :

— Explique-toi, mon enfant, ces messieurs seront discrets.