Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/660

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Aucun bruit.

Il fallait gagner du temps. Ce n’était pas chose facile.

— Vous décidez-vous ? demanda une seconde fois le chef de la troupe opposée.

— Oui.

— Vous vous rendez ?

— Sans aucun doute.

— À la bonne heure. Avancez à l’ordre.

Passe-Partout avança.

— Pardon, fit-il de son air le plus innocent, je n’ai pas besoin de vous prier, de vouloir bien nous exhiber le mandat en vertu duquel vous nous arrêtez.

— Un mandat ?

— Sans doute ; vous devez en avoir un.

— J’en ai un.

— Puis-je le voir ?

— Ici, à la belle étoile ! répliqua l’autre en ricanant ; vous n’y verriez pas assez pour le déchiffrer.

— J’essayerai.

— On vous le montrera à l’ombre.

— Ça ne nous changera pas, fit le plus doucement du monde Passe-Partout, qui voyait grouiller quelque chose dans le lointain.

— Voyons, pas tant de raisons ! fit brutalement son interlocuteur, obéissez !

— À qui ?

— À moi. Rendez-vous, ou sinon…

Tout à coup une voix stridente s’éleva dans la nuit.

— Hein ! qu’est-ce que c’est que ça ? fit le chef des arrivants.

La voix chantait ou plutôt détonnait les couplets d’une romance bien connue alors dans les rues de Paris :

Du haut en bas,
C’est moi qui ramone,
Pour peu qu’on me donne,
Voilà mes deux bras.

Cette chanson avait une signification secrète pour le chef des Invisibles, car, aux premières notes, il se replia vers les siens, en murmurant :

— Attention !

Le chanteur nocturne continua en se rapprochant :

Ainsi, tout couvert de suie,
Le pauvre Jacquot chantait,
Et bravant le froid, la pluie,
Gaiement dans ses doigts soufflait.

— C’est Moumou ! fit la Cigale.

— Silence ! murmura Passe-Partout.