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— Non, parole d’honneur. C’est superbe, et digne du crédit que vous avez chez moi, mon cher comte… un crédit de pas mal de millions, ma foi !

— Mon cher baron, nous allons parler affaires, et ces dames n’y comprendront rien, interrompit M. de Warrens.

— Ce qui signifie que nous pourrions les ennuyer, ajouta le gros financier avec un rire à pomme d’or. Si madame la duchesse y consent, je profiterai de son bon accueil pour lui demander et lui prendre quelques minutes dans la soirée.

— Vous me trouverez entièrement à votre dévotion, monsieur.

Le banquier salua et se perdit dans la foule.

Le comte et la duchesse échangèrent un rapide coup d’œil.

La duchesse se pencha vers la jeune fille.

— C’est lui, n’est-ce pas, chère enfant ? lui demanda-t-elle avec intérêt.

— Oui, madame, lui répondit la jeune fille, qui était à peine remise de sa première émotion.

— Bien. Il nous fallait cette certitude. Maintenant que nous l’avons, M. le comte de Warrens et moi, nous ferons en sorte que vous ne soyez plus obligée d’affronter, ou de subir cette odieuse présence dans le cours de cette fête.

— Je m’y engage, mademoiselle, fit le comte.

— Redevenez donc joyeuse, mon cher cœur, ajouta la duchesse, et ne songez plus qu’au but que nous cherchons à atteindre.

— Je tâcherai, madame la duchesse.

— Et vous réussirez.

— Je l’espère, vous êtes si bonne pour moi !

— Oh ! ne parlons pas de cela. Est-ce que je ne remplace pas votre mère, en ce moment ?

— Ma pauvre mère ! murmura-t-elle avec un soupir étouffé.

Le comte, qui écoutait silencieux ce court dialogue, s’avança et fit un signe au jeune homme, qui s’éloigna aussitôt.

— Est-ce l’heure ? demanda Mme Dubreuil.

— Oui, duchesse.

— Ne craignez-vous que la surprise, l’émotion de tout à l’heure ne paralysent les moyens de cette chère enfant ?

— Mademoiselle aura le temps de se remettre, pendant la première partie du concert. Je suis sûr qu’elle obtiendra un succès foudroyant.

— Ah ! monsieur le comte, murmura la jeune fille.

— Je fais parfaitement la part de votre modestie, mademoiselle ; mais je suis sûr de vous. Dans deux heures votre nom sera dans toutes les bouches.