— Oui… vous savez bien…, comme disent les Peaux-Rouges et les peaux blanches d’Amérique.
— Bien… Mais quelle piste suivais-tu ?
— Est-ce que je pouvais en suivre deux ?
— C’était celle de mon frère ?
— Du capitaine…, Pardi, oui !
Il but le reste de la dernière bouteille.
— Tu as trouvé la trace du capitaine ? s’écria Martial, avec un transport de joie.
— Je l’ai trouvée… Je l’ai… non.
— Que disais-tu donc ?
— Ce n’est pas moi qui l’ai trouvée… mais, enfin, il n’y a pas de mal… C’est tout de même…
— Explique-toi…
— Que qu’ça fait ? Pourvu que ça y soit… et ça y est.
— Il a donc quitté Paris ?
— On le lui a fait quitter… oui.
— Depuis combien de temps ?
— Il y a au moins quatre jours.
— Et tu l’as vu ?
— Je n’en suis pas bien sûr…, mais je le crois.
Le colonel, tout en ne saisissant pas bien le sens énigmatique des réponses de la Cigale, savait qu’il ne fallait jamais lui en demander trop.
L’intelligence du géant ne suivait jamais que la ligne de conduite qu’il s’était tracée.
Un écart, une route de traverse, un point d’orgue inattendu, et il perdait la carte.
Il continua son interrogatoire en y mettant toutes les précautions oratoires imaginables.
— Tu as bien agi… Mais, dis-moi…, pourquoi n’avoir pas suivi cette piste jusqu’au bout ?
— Il ne fallait donc pas accourir vous prévenir, vous raconter ce que j’avais fait ?
— Mais, malheureux ! maintenant que tu n’es plus là, cette piste, le fruit de tes peines, va être perdue de nouveau ?
— Ah ! ouiche !
— Parviendrons-nous à la retrouver ?
La Cigale regarda le colonel avec une expression de pitié d’autant plus marquée, qu’elle se mêlait à un respect inaltérable pour le frère de son capitaine.
Il avala les bribes du repas qu’on lui avait offert, s’essuya les lèvres, jeta un regard triomphant sur cette table qu’il venait de si bien nettoyer, et se levant il dit au colonel :
— Merci de votre déjeuner, mon colonel… Mais faites excuse… vous ne connaissez pas votre vieux la Cigale… Il n’aurait pas mangé de si bon cœur