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— Et l’équipage ?

— Je vous en enverrai un sûr et nombreux.

— Pas d’autres ordres ?

— Si. Les hommes montés à bord devront y rester cachés… Vous mouillerez sur un corps mort et vous mettrez les voiles sur les fils de carret, afin de vous trouver en mesure d’appareiller au premier signal que je vous donnerai.

— Chose faite, répliqua sir Harry Mortimer, qui parlait facilement, lui, mais que la parole fatiguait.

— C’est évident pour moi, messieurs ; la comtesse de Casa-Real tient son prisonnier aux environs de Rouen. De là elle compte gagner le Havre. Nous y serons avant elle. Surtout, sir Harry Mortimer, organisez dans le port la surveillance la plus active.

— Je serai averti de tout.

— Bien, Un dernier détail. Major Schinner ?

Schinner vint au colonel.

— Avez-vous eu soin de faire ce que je vous ai demandé ?

— J’ai les sommes, répondit le major.

— Remettez à sir Harry Mortimer cent cinquante mille francs en billets de banque et deux millions en traites sur New-York, la Havane, la Vera-Cruz, la Nouvelle-Orléans et Mexico.

— Voici, fit Schinner, tirant un bordereau de sa poche et des liasses d’effets ou de billets de banque.

Il remit traites et billets à sir Harry Mortimer, lui fit signer son bordereau de versement, et il attendit.

Quand cette formalité eût été remplie :

— Usez, comme vous le jugerez convenable, de cet argent et de ce crédit au mieux des intérêts de notre association, sir Harry Mortimer, dit le colonel.

— Ce sera fait, répondit simplement le noble écossais. Vous n’avez point d’autres instructions à me donner, colonel ?

— Non.

— Vous me permettez de me retirer ?

— À votre aise.

— Je n’ai que juste le temps nécessaire pour partir.

— Partez. Au revoir, sir Harry Mortimer.

— Au revoir, colonel.

L’Écossais salua tous les Invisibles et sortit de son pas lent et régulier.

C’était sa manière de se presser.

Chi va piano, va sano ;
Chi va sano, va lontano,


dit un proverbe italien.

Si ce proverbe n’avait pas précédé la naissance désir Harry Mortimer, notre Invisible l’eût fait naître écossais.

De toutes façons, il s’arrangeait de manière à lui faire conférer des lettres de naturalisation à Édimbourg ou à Glasgow.