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— Martel ne me pardonnerait pas une rechute occasionnée par les ordres que je vous donnerais.

— Vous plaisantez !

— Non pas.

— Je vous jure que je suis complètement sur pied. Croyez-vous que je consentirai à demeurer les bras croisés, dans une inaction honteuse, quand les uns et les autres vous allez risquer votre vie pour le salut de notre chef, pour le triomphe de notre cause ?

— Je le crois, parce que je le veux.

— Mais…

— Je le veux, répéta le colonel.

— Est-ce le chef qui parle ainsi ? demanda le jeune homme, contenant avec peine les bouillonnements de sa colère généreuse.

— Non, René, c’est l’ami.

— Eh bien !… à l’ami je dirai… Vous ne me retirerez pas cette mission…

— Parce que ?

— Parce que vous me causeriez un véritable chagrin.

— Et si c’était le chef suprême des Invisibles qui vous parlât ?

— Je lui répondrais : C’est bien, maître, j’obéis… Mais sur mon honneur de gentilhomme, si vous me refusez le droit de vous accompagner, en rentrant chez moi, je me fais sauter la cervelle.


XII

EDMÉE

— Vous êtes fou, René ! dit le colonel Martial Renaud à son ami, qui lui parlait ainsi du ton le plus sérieux et le plus convaincu.

— Soit ; mais je le ferai comme je le dis.

— Cependant…

— Quels sont vos ordres pour Rouen, colonel ? demanda froidement René.

— Entêté.

— Il est des pays ou l’entêtement passe pour du caractère, répondit en riant le vicomte.

— Tête bretonne ! tête carrée !

— Cela vous va bien de m’appeler tête bretonne. Nous sommes presque du même pays.

— C’est vrai ! Allons, enfant, je cède.

— Vous faites bien.

— Mais vous me le promettez, vous vous ménagerez.

— Je vous le promets.

— Dans notre intérêt comme dans le vôtre. La moindre indisposition causerait un retard, et tout retard pourrait nous devenir funeste.

— Je serai prudent.