Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/708

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— Je n’oublierai rien.

— À propos, expédiez à Mortimer, Saturne et Peters-Patt, dont vous n’avez que faire ici et qui nous seront utiles là-bas.

— Ils partiront cette nuit.

— Voilà parler.

Karl Schinner parti, Martial Renaud s’approcha de René de Luz, qui, se ressentant encore de ses blessures, se tenait assis sur un canapé.

En voyant son chef venir à lui, il se leva vivement. Le colonel le pria de se remettre sur le sofa, et il s’assit à son côté.

— Comte, j’ai à vous charger d’une mission délicate. Je suis certain que vous vous en tirerez mieux que tout autre, lui dit-il.

— Qu’est-ce ? mon cher colonel.

— Vous connaissez les différents centres de réunion de nos affiliés du second degré ?

— À Paris ?

— Oui.

— Je les connais.

— Et à Rouen ?

— Aussi.

— À merveille. Il faut que dans quarante-huit heures au plus, vous m’ayez déniché quatre-vingts gaillards solides.

— Je les trouverai.

— Dévoués… corps pour corps à l’Association.

— C’est plus difficile.

— Braves jusqu’à la témérité.

— En les payant bien, ils seront aussi téméraires que courageux.

— Et aguerris à toute sorte de hasards.

— Ce sera plus cher, voilà tout.

— Vous savez que nous ne regardons pas à l’argent. Tirez à vue sur nous.

— Vous les aurez.

— Dès que vous les tiendrez, vous les expédierez à sir Mortimer.

— Par groupes de trois, quatre ou six, n’est-ce pas ?

— Vous me comprenez à demi-mot, vicomte. J’étais sûr de vous. Surtout que ces hommes soient prudents et discrets.

— Ils ne sauront rien, ni de la destination qui les attend, ni le nom du chef qui les commandera.

— Parfait !

— Et à Rouen, qu’ai-je à faire ?

— À Rouen ?

— Oui.

— Je réfléchis… vous n’irez pas à Rouen.

— Pourquoi non ?

— Parce que, mon ami, vous êtes très faible… ; parce que c’est aujourd’hui votre première sortie, et qu’une imprudence ouvrirait vos blessures à peine cicatrisées.

— Oui-da !