Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/716

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— Cela ne concerne-t-il que moi ? demanda-t-elle avec un commencement d’anxiété.

— Que vous.

Elle respira plus librement.

— Alors, parlez, mon ami… et parlez hardiment… Dès que je ne redoute rien pour ceux que j’aime, je ne redoute rien pour moi ; aucun souci n’a de prise sur mon cœur.

— Ainsi, vous ne m’en voudrez pas ?…

— De la question que vous allez me faire ?

— De cette question.

— Je m’engage à vous la pardonner.

— Et à y répondre.

— Oh ! cela, c’est bien autre chose ! répondit-elle en baissant les yeux avec un geste plein de charme et de coquetterie.

— N’importe. Je me risque ! fit le colonel.

— J’écoute.

— Pour quel puissant motif, charmante curieuse, avez-vous eu la patience de rester si longtemps en embuscade derrière cette porte ?

La jeune fille rougit ; quoiqu’elle s’attendît à l’attaque, elle n’était pas certaine de la parade à opposer.

— Ah ! c’est cela… que vous voulez savoir ?

— Oui, pour peu que cela ne vous contrarie pas trop.

— Il ne m’est pas bien difficile de vous satisfaire, mon ami, répondit-elle un peu brusquement pour cacher son trouble…, car, vous l’avouerez, rien ne m’était plus facile que de m’en aller comme j’étais venue…

— En effet.

— Je n’avais qu’à redescendre dès que vous vous êtes levé pour vous approcher de la porte secrète.

— J’en conviens.

— Et vous n’auriez jamais eu vent de mon indiscrétion.

— Oui, mais vous êtes restée !

— Pourquoi suis-je restée ? Le devinez-vous, Martial ?

— Certes non !

— Apprenez-le donc. Je ne suis pas partie, pour que vous me sachiez dans la confidence de vos projets.

— Ah !

— Et parce que j’ai un service à vous demander.

— À moi ?

— Un grand, un immense service.

— À quoi bon le demander, Edmée ?… Ne savez-vous pas qu’il est rendu d’avance ?

— Vous engagez-vous d’avance, Martial ?

— Certes.

— Sur votre honneur ?

— Sur mon honneur d’homme et de soldat.