Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/736

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j’envoyai mon petit gars surveiller la ferme. Il n’a que dix ans, mais il est futé comme un macaque.

— Eh bien ?

— Rien n’a bougé encore.

— Les voitures, et ceux qu’elles ont amenés ?…

— Sont toujours là, répondit Anthime.

— Alors nous les tenons, dit joyeusement le voyageur.

— Il faut le croire.

— Vous nous aiderez.

— À votre disposition.

— Et les Compagnons, que font-ils ?

— Le plus vieux rôde autour du pot aux roses.

— Et l’autre ?

— Le plus jeune a suivi au Havre un cavalier qui est parti d’ici, ce matin, à huit heures.

— À cheval ?

— À cheval, oui.

— Bon. Il est entre bonnes mains. Avez-vous de la place ici ?

— Oui, assez.

— La maison ne paraît pas bien grande.

Anthime se redressa avec importance, avec fierté.

— Elle est double !

— Profonde ?

— Aussi profonde que haute.

— À merveille. Puis changeant de ton, le voyageur ajouta : Il paraît que vous êtes bien noté, mon compagnon.

— Vrai ? tant mieux.

— Si je me suis arrêté ici, c’est que j’en avais reçu l’ordre.

— Vous saviez donc ?…

— Rien… on ne m’avait pas prévenu que vous étiez des nôtres.

— On ne prévient jamais.

— Non. Écoutez bien ceci…

— Je suis tout oreilles.

C’était vrai, il eût été difficile, dans tout l’Ouest de la France, de trouver une paire d’oreilles pouvant lutter avec celles du bienheureux Guichard.

Le voyageur reprit :

— Ce soir, à la tombée de la nuit, cinq voyageurs arriveront.

— Ensemble ?

— Non, les uns après les autres. Les premiers à peu de distance des derniers.

Ils seront vêtus à peu près comme moi.

— En matelots ?

— Oui. Après ceux-là, il en viendra un sixième.

— Toujours en costume de marin ?

— Non pas. En bourgeois, celui-là. Ce dernier est un chef. Il est membre du grand conseil.