— J’attends, maître.
— Quoi de nouveau ?
— Depuis quand ? demanda Anthime Guichard.
— Depuis ce matin.
— Quelle heure ?
— Quatre heures du matin.
— Beaucoup de choses.
— Allez.
— Voici : sur les quatre heures, une voiture attelée de deux chevaux de poste est arrivée ventre à terre.
— Par quelle route ?
— Par la route que vous avez suivie vous-même.
— Après ?
— Cette voiture a pris un sentier qui se trouve à deux pas d’ici, et, sans ralentir sa course, elle s’est dirigée vers la ferme.
— L’attendait-on ?
— Il paraît ; la porte charretière était ouverte, elle entra tout droit. Dix minutes plus tard, une seconde voiture, en tout semblable à la première, apparaissait dans le chemin ; elle prit la même direction, et, comme elle, pénétra dans la ferme, les portes se refermèrent aussitôt.
— Est-ce tout ?
— Non pas.
— Quoi encore ?
— À peine les deux voitures s’étaient-elles engouffrées dans la cour de la ferme comme deux tourbillons, que deux cavaliers, lancés à toute bride, s’arrêtèrent devant ma porte. Je guettais ; je me dépêchai de leur ouvrir.
— Un homme d’une trentaine d’années et un enfant, n’est-il pas vrai ?
— C’est cela même.
— Bon. Continuez.
— Après avoir mis pied à terre, ils entrèrent ici. Ils paraissaient accablés de fatigue.
— Pauvre Mouchette ! murmura le voyageur.
— Leurs chevaux était à demi fourbus. Les pauvres bêtes sont encore étendues sur la litière.
— Passez… passez…
— Je leur ai servi à manger. Ils dévoraient.
— Comme moi.
— À peu près, fit en souriant Anthime Guichard… Vous le savez, maître, nos statuts nous ordonnent de faire, sans en avoir l’air, le signe de reconnaissance à tous les inconnus avec lesquels le hasard nous met en rapport.
— Oui… allez… allez…
— Ma curiosité était vivement surexcitée. Tous ces événements, ces arrivages ne me semblaient guère naturels. Je fis le signe. On me répondit. Les étrangers appartenaient à l’Association comme vous et moi.
— Je m’en doutais.
— Bientôt il n’y eut plus de secrets entre nous. Pendant qu’ils se reposaient,