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Mais le nombre de ses ennemis crut dans des proportions telles que bientôt toute la partie supérieure de la grotte se trouva envahie par eux.

La situation du capitaine était critique.

Dure alternative !

Il lui fallait ou fuir, ou se faire tuer.

Fuir, il ne le pouvait, quelle que fût la promptitude de son mouvement de retraite, sans que l’entrée du souterrain ne se trouvât dévoilée aux séides de M. Jules.

La Cigale ne pouvait faire retomber la pierre assez à temps, et ses compagnons étaient découverts, perdus.

L’héroïque chef n’hésita pas.

— Sauvons-les d’abord, se dit-il. Nous verrons ensuite à nous en tirer nous-même, tout seul.

Il bondit en avant, frappa trois ou quatre coups d’un large couteau de chasse qu’il tenait au poing, et forçant les plus braves parmi ses adversaires à reculer devant cette attaque inattendue, il se replia rapidement sur le colosse, qui attendait, ne distinguant rien, tant il y avait de fumée dans le souterrain.

— Ferme, la Cigale ! lui cria Passe-Partout.

Le matelot de Passe-Partout, convaincu que son capitaine était hors de tout danger, le croyant auprès de ses camarades, avait obéi aussitôt.

Le ressort lâché, la pierre tourna sur elle-même. Elle rentra dans son alvéole avec une précision mathématique.

Et tout fut dit.

Les Invisibles étaient à l’abri de toutes recherches immédiates.

Pour les découvrir, il eût fallu démolir la grotte pierre à pierre, rocher à rocher.

Le comte de Warrens, Passe-Partout poussa un cri de joie.

Ses compagnons étaient sauvés.

Grâce à son habile manœuvre, aucun des combattants du parti opposé n’avait pu apercevoir l’entrée de l’issue qu’il désirait si ardemment cacher à tous les yeux.

Les siens étaient sains et saufs.

Mais lui !

Il croyait à son étoile.

— Je m’en tirerai ! se dit-il… À la grâce de Dieu !

Et il se rua tête baissée au plus épais du groupe formé par ses adversaires.

Alors il se passa un fait indescriptible.

Ce fut un spectacle incroyable, inouï.

Lutte insensée d’un seul homme contre vingt-cinq, contre trente peut-être !

Combat acharné, sans cris, terrible !

Parfois on entendait la chute d’un corps, le soupir d’un blessé, le râle d’un mourant, le sourd piétinement d’une foule haletante se débattant avec frénésie dans l’obscurité.

Le couteau du comte de Warrens avait fait une sanglante besogne.

Les agents de M. Jules et les serviteurs de la comtesse de Casa-Real, qui