Le piège était grossier.
Le prisonnier ne s’y laissa point prendre.
— Le secret est-il levé ? demanda-t-il au juge qui suivait tous ses mouvements.
— Pas encore… répondit celui-ci. La justice ne se déclare pas assez éclairée.
— Ah ! c’est ainsi !
— Oui.
— Alors, je ne signerai pas ce procès-verbal.
Et il rejeta la plume.
— Vous refusez de signer ?
— Formellement.
— Monsieur, vous vous oubliez…
— Je ne reconnais pas la légalité d’un interrogatoire fait dans de semblables conditions.
— Mais…
— Je ne signerai, monsieur le juge, que lorsque j’aurai été interrogé dans votre cabinet.
— Soit, monsieur, répliqua le juge d’instruction, réprimant avec peine un geste de mauvaise humeur ; il sera fait ainsi que vous désirez.
Il se leva.
Son greffier l’imita.
— Pardon, messieurs, fit Passe-Partout.
Le juge d’instruction s’arrêta dans sa marche.
— Un mot encore, s’il est possible.
— Parlez.
— Quand aura lieu ce second interrogatoire ?
— Le plus tôt possible.
— Mais encore, ne pouvez-vous me fixer une date certaine, monsieur ?
Le juge d’instruction se consulta :
— Dans dix jours, fit-il en clignant de l’œil du côté de son greffier.
L’intention ironique de ce coup d’œil n’échappa pas au comte de Warrens.
Il s’inclina silencieusement.
Le juge et le greffier sortirent majestueusement.
— Allons, la farce continue ! se dit le prisonnier. Dans quel but la jouent-ils ?
En ce moment le guichetier rentra.
Il apportait le dîner du prisonnier.
Celui-ci ne chercha même pas à lui demander l’ombre d’un renseignement.
Le porte-clefs ne lui aurait pas répondu l’ombre d’un monosyllabe.