Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/778

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Rien ! Personne.

Il se trouvait seul, bien seul.

Il respira plus librement, quoique enfermé à triple tour.

La présence de ces argousins ne lui pesait plus sur la poitrine.

Ah ! la comtesse de Casa-Real avait bien pris toutes ses précautions.

Le tout maintenant était de savoir si elle avait calculé sans une trahison possible, ou si, cauteleuse comme une créole qu’elle était, elle n’avait pas gardé pour elle seule la partie la plus sérieuse de son plan.

La comtesse Hermosa de Casa-Real se mettre entièrement entre les mains de ses serviteurs ! Leur donner connaissance de ses desseins, de ses projets, dans une question aussi grave pour elle ! C’était bien peu probable.

Passe-Partout, après réflexion, ne prit donc de tout ce qu’il venait d’entendre que ce qui lui parut être absolument possible.

À coup sûr, on ne le conduirait pas à la Havane, si la tentative de délivrance faite en sa faveur venait à échouer.

Mais Mme la comtesse de Casa-Real partir pour San-Francisco, pour cette contrée sauvage où ne vont que les pionniers de la richesse et de l’or !

Mme de Casa-Real, qui n’avait rien à demander à une de ces mines, certainement moins riches qu’elle !

Le camarade du porte-clefs devait se tromper, ou bien la comtesse avait trompé cet homme et ses compagnons.

De toute façon, en mettant la main sur le poignard qui se trouvait dans sa poche, en touchant de ses doigts crispés la crosse de ses revolvers, Passe-Partout se disait mentalement :

— Ni à la Havane ! ni à San-Francisco !

Il jeta les regards autour de lui.

On traversait une plaine nue et aride.

Impossible de s’orienter.

Que faire ? patienter.

Le comte de Warrens s’y résolut : il s’accommoda du mieux qu’il lui fût possible sur les coussins de la berline ; et froidement, nettement, il récapitula tous un à un les renseignements que le porte-clefs lui avait fait donner si adroitement par ses complices.

Il eut beau tourner et retourner ces renseignements, il ne put en tirer autre chose que les réflexions précédentes.

Seulement, on veillait sur lui. La chose était sûre.

Mais qui ?

Qui avait acheté le guichetier ?

À qui appartenait cette écriture microscopique, impossible à reconnaître à cause de son infinie petitesse ?

Une réponse lui était venue à l’esprit.

Il l’avait rejetée comme impossible, comme insensée.

Il y revenait pourtant, à cette réponse, à cette pensée incessante.

Du reste, de toute façon, il se tenait prêt à tout événement.

L’œil au guet, l’oreille au vent, la main sur ses armes, il attendait, bien