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Le comte s’avança sur elle, l’œil en feu, la menace aux lèvres.

En face du triomphe qui apparaissait sur la physionomie de sa belle ennemie, il comprit qu’il faisait fausse route.

Il fit deux pas en arrière.

— Vous êtes libre… ne le dites pas, madame, s’écria-t-il.

— Vous l’avez déjà deviné, n’est-ce pas, comte ? Cette femme… me paiera toutes les souffrances que vous m’avez infligées ; cette femme vous fera endurer toutes les douleurs que ma fille me cause involontairement. Cette femme… tenez… je vous le répète une dernière fois, son sort dépend de la réponse que vous me ferez demain, vous tenez sa vie entre vos mains.

Elle sortit.

La porte se referma sur elle.

— Saints du ciel ! cria le comte de Warrens, quand il se trouva seul, c’était l’écriture d’Edmée ! Je ne me trompais pas !

Et il tomba accablé sur le siège que la comtesse de Casa-Real venait de refuser.

L’amour et la haine de ces deux femmes s’étaient rencontrés.

Qu’allait-il sortir de cette rencontre ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le temps s’était mis à l’orage.

Le vent, la pluie, les éclairs et le tonnerre se mettaient de la partie.

Passe-Partout, en proie à une agitation extrême, veilla plus tard qu’à son ordinaire.

La soirée se passa sans aucun autre incident remarquable.

Vers les dix heures, au moment où l’ouragan tonnait, retentissait dans toute sa force, le comte se jeta sur son lit.

Il allait peut-être s’endormir.

Tout à coup il se redressa, jeta loin de lui le livre qu’il avait machinalement ouvert et tendit avidement l’oreille.

Un coup de sifflet venait de se faire entendre, malgré les bruits furieux de la tempête.

Ce coup de sifflet strident avait des modulations particulières bien connues du chef suprême des Invisibles.

— Enfin ! murmura-t-il. Les voici !

Et sautant à bas de son lit, il écouta.


II

LES COMPAGNONS DE LA LUNE

Nous abandonnerons pendant quelques instants le comte de Warrens et nous retournerons auprès des Compagnons de la Lune, que nous avons trop longtemps négligés.

Après leur sortie silencieuse de l’auberge de la Limace, les Invisibles