Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/815

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— Frère, adieu !

Ils s’embrassèrent.

Le comte de Warrens passa dans une autre pièce et ne prit que le temps strictement nécessaire pour changer de vêtements.

Une voiture l’attendait sous le vestibule même ; il y monta.

Elle le conduisit au chemin de fer.

Il prit l’express pour Paris, où il arrivait trois heures plus tard.

Après avoir vu son frère monter en voiture, le colonel Renaud rentra à pas lents dans son cabinet de travail.

En traversant l’antichambre, il aperçut deux personnes qui se tenaient modestement l’une près de l’autre et debout, contre le mur, dans l’angle le plus obscur de la pièce.

Il s’arrêta.

— Qui êtes-vous ? Que désirez-vous ? demanda-t-il.

— Quelques minutes d’entretien, lui répondit un des inconnus.

Le colonel tressaillit au son de la voix qui venait de se faire entendre.

Il se pencha en avant pour entrevoir le visage de son interlocuteur.

Le colonel fut satisfait sans doute de ce muet examen, auquel l’étranger se prêta d’ailleurs de fort bonne grâce.

— Entrez, dit-il avec empressement.

— Pardon, monsieur le colonel, mais, avant d’entrer chez vous, deux mots, s’il vous plaît, répondit doucement l’individu qui déjà avait pris la parole.

— Dites.

— Voici un brave garçon, et, en parlant, il désignait son compagnon, qui n’était autre que l’ancien guichetier du comte de Warrens, que j’ai pris la liberté de vous amener ; un brave garçon envers lequel le capitaine Passe-Partout a contracté de sérieuses obligations.

— Lui ?

— Oui.

— Comment cela ?

— Son dévouement à votre, à notre ami, l’a fort compromis auprès de certaines personnes, au service desquelles il se trouvait, et dont à présent il a tout à craindre.

— Veuillez m’expliquer…

— C’est facile… Cet homme était le geôlier du capitaine… C’est lui qui l’a averti de l’arrivée de ses amis… Il lui a remis des armes… De plus, en avertissant le prisonnier des pièges qu’on lui tendait et surtout en l’empêchant de boire le somnifère qu’on lui versait chaque soir à son insu, il l’a mis à même d’agir lorsqu’a sonné l’heure de sa délivrance.

— Vous avez raison. Cet homme nous a en effet rendu de bien grands services ! dit le colonel Renaud, examinant attentivement le pauvre diable, qui ne savait trop sur quel pied se tenir. Que demande-t-il ?

— Rien.

— Hum ! murmura le colonel, un tel désintéressement n’est pas naturel, je crains qu’il ne coûte trop cher.

— Vous vous trompez.