— Soit, je l’admets ; mais enfin quelle récompense veut-il ?
— Aucune.
— Comment ! aucune ?
— Non.
— Voyons ; ce n’est pas pour rien obtenir en sa faveur que vous me l’avez amené ici, cependant, monsieur.
— Il désire entrer à votre service.
— C’est tout ?
— Oui.
— Sans arrière-pensée ? demanda Martial Renaud étonné.
— Je réponds de lui.
L’homme toujours immobile n’avait pas encore ouvert la bouche.
Le colonel réfléchit quelques instants.
— Ton nom ? fit-il, son regard d’aigle toujours rivé sur le visage de l’ex-geôlier.
— Jann Marck.
— Tu es Breton ?
— Et Breton bretonnant…
— D’où ?
— Eh, dà !… du pays de Tréguier, monsieur le colonel.
— Ah ! ah ! s’écria Martial… Voyons cela un peu.
Et abandonnant subitement le français, il continua le dialogue dans le plus pur dialecte de Cornouailles.
— Quel est ton métier ?
— Marin, de père en fils, monsieur le colonel… Toujours… excepté pourtant pendant la grand’guerre, où tous mes parents ont combattu pour le roi, comme de juste.
— Bien, ça, mon gars ! Tu me plais… ma foi de Dieu !
— Tant mieux, monsieur.
— As-tu encore des parents ?
— Où ça ?
— Au pays de Tréguier ?
— Toute ma famille.
— Est-elle riche ou pauvre ?
— Mais, not’ monsieur, elle n’est pas des plus pauvres, les vieux possèdent pas mal de bonnes terres là-bas.
— Bien. Écoute ceci.
— Je vous ouïs.
— Nous avons besoin d’hommes dévoués.
— Éprouvez-moi.
— D’après ce qu’on vient de me raconter, tu as déjà fait tes preuves.
— Alors…
— Attends. Chez nous, la plus légère trahison est punie…
Le Breton haussa les épaules.
Le colonel Martial Renaud continua comme s’il n’avait pas remarqué le mouvement du Breton :