Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/817

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Punie de mort.

Jann Marck ne broncha pas.

— Les gars de Tréguier ne sont pas des traîtres, monsieur le colonel, répondit-il avec un sourire qui éclaira sa physionomie intelligente, mais seraient-ils des traîtres, qu’ils ne seraient pas des lâches..,

— Ce qui signifie…

— Que ce n’était pas la peine de m’adresser votre menace.

— À la bonne heure, mon gars ! c’est carrément répondre ! fit gaiement le colonel Renaud en lui frappant sur l’épaule. Tu es mon homme… seulement il faut attendre, je ne puis encore te dire ni oui ni non.

— Ah ! pourquoi donc, sans vous commander, mon colonel ?

— Parce que, mon garçon, je ne suis pas le seul maître ici.

— C’est juste.

— Pourtant, espère.

— Bon !

— Et d’abord, à partir d’aujourd’hui, tu resteras ici…

— Jusqu’à quand ?

— Jusqu’à nouvel ordre.

— Sans sortir ?

— Sans sortir.

— Et quand me ferez-vous une réponse définitive… ? demanda le gars qui ne se sentait pas encore de la maison.

— Dans six jours au plus tard.

— Va pour six jours.

— Tu acceptes ?

— Oui.

— C’est bien.

Le colonel Renaud frappa dans ses mains. Un domestique parut.

— Conduisez ce brave garçon à l’office…il doit avoir faim et soif… vous lui donnerez à boire et à manger… Ensuite vous le conduirez dans une chambre où il couchera jusqu’à nouvel ordre. J’ai ta parole ?… ajouta-t-il en se retournant vers Jann Marck, dont le visage venait de prendre une expression joyeuse.

— C’est topé.

— Tiens-la bien.

— Je la tiendrai.

— Va, et attends ma réponse… Je ferai tout pour qu’elle te soit favorable.

— Que le bon Dieu et Notre-Dame d’Auray le veuillent !

Jann Marck salua. Le domestique l’emmena avec lui.

Une fois le Breton parti, le colonel Martial Renaud s’inclina galamment devant la personne qui le lui avait amené.

— Maintenant veuillez passer, je vous prie, ma chère Edmée, lui dit-il.

La jeune fille sourit et pénétra dans le cabinet, où le colonel la suivit immédiatement en refermant la porte.

C’était bien en effet Mlle Edmée de l’Estang dont le colonel recevait ainsi la visite inattendue.