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Les deux rôdeurs de nuit ne se firent pas répéter cette brève et assez sèche invitation et ils pénétrèrent vivement dans le zaguan, ou vestibule de la maison.

La porte se referma aussitôt derrière eux et la chaîne fut de nouveau tendue.

— Comment se fait-il que ce soit toi qui nous ouvres ce soir ? demanda Marcos Praya à la camériste.

— Parce que la señora l’a voulu ainsi apparemment, répondit sèchement Anita. Ai-je des comptes à vous rendre ? Voyons, venez-vous, señor Marcos Praya ?

Le métis reconnut que la jeune fille n’était pas en train de causer ; il se le tint pour dit et ne souffla plus mot.

La camériste leur fit alors traverser un patio, ou cour assez vaste : ils arrivèrent à une grande porte vitrée abritée par une large véranda ; cette porte vitrée donnait entrée par quelques marches de marbre blanc, dans un large vestibule éclairé par une lanterne en verre dépoli ; trois portes donnaient sur ce vestibule.

La jeune fille ouvrit la porte de droite, et précédant toujours les deux hommes, mais sans autrement s’occuper d’eux, elle les introduisit dans un salon richement meublé ; puis elle souleva une portière, et ils se trouvèrent tout à coup dans un charmant boudoir éclairé par une lumière voilée, douce et mystérieuse.

Une femme était à demi couchée sur un sopha, blottie, comme un oiseau frileux, dans des flots de dentelles.

Cette femme était la comtesse Hermosa de Casa-Real.

La noble sirène paraissait toujours aussi ravissante qu’à Paris, où nos lecteurs ont fait connaissance avec elle dans la première partie de cet ouvrage.

— Ah ! c’est vous, Marcos Praya, dit-elle d’une voix traînante et d’un air ennuyé en se soulevant sur le coude ; quel bon vent vous amène ce soir ? Je ne vous attendais que demain.

— J’ai fait diligence, señora.

— Avez-vous des nouvelles ?

— Oui, señora.

— Importantes ?

— Je le crois.

— Vous l’avez retrouvé ? s’écria-t-elle avec un éclair dans le regard et en se relevant vivement sur le coude.

— Je crois que cette fois nous le tenons, seora, ou, du moins, nous le tiendrons bientôt, reprit-il avec un sourire sinistre.

— Ah ! asseyez-vous et parlez, je vous prie, Marcos. À propos, quel est ce drôle qui vous accompagne ?

— Hum ! grommela celui-ci entre ses dents, drôle ! En voilà un compliment ! Pas aimable du tout, la niña ! ah mais non ! Faudra voir cela plus tard !

— C’est mon ami Diego, répondit en ricanant Marcos Praya.

— Qu’est-ce que c’est que cela, Marcos, votre ami Diego ?

— Un charmant garçon, señora. Il ne paye pas de mine à la vérité ; comme