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XV

OÙ LA LUMIÈRE SE FAIT

Aussitôt que la Cigale et Filoche avaient été lancés par lui sur les traces du comte de Warrens, Mouchette, sans songer à la pluie qui tombait avec une violence extrême, s’était placé, sur le seuil même de la maison, tendant le cou, prêtant l’oreille au moindre bruit et regardant obstinément au dehors, en essayant de percer les ténèbres épaisses de la nuit.

Au bout de quelques minutes, le murmure grossissant, comme une marée qui monte, d’une grande agglomération d’hommes qui s’approchait arriva jusqu’à lui.

Des torches luirent dans l’obscurité.

Enfin le gamin aperçut, à sa grande joie, une immense foule d’hommes armés, en tête desquels marchaient le colonel Martial Renaud, sir Harry Mortimer et les autres chefs des Compagnons de la Lune.

Il se précipita vivement à leur rencontre, se fit reconnaître d’eux, et les questionna avec inquiétude.

— Tout va bien, marmot, lui répondit en riant le colonel Martial Renaud, qui avait pris le commandement ; cette fois nous sommes en force ; le Sydney-Coves sera en notre pouvoir avant une heure. Vive Dieu ! nous allons enfin détruire ce repaire de bandits.

— Fameux ! Alors la patrie est sauvée !… s’écria joyeusement le gamin.

Et, sans en écouter davantage, il laissa les membres du comité de vigilance continuer leur route, et il s’élança en courant dans la direction suivie précédemment par les deux Compagnons de la Lune, que, malgré l’avance qu’ils avaient sur lui, il ne tarda pas cependant à rejoindre.

Ceux-ci marchaient presque sur les pas du capitaine, sans qu’il s’en doutât.

Voici ce qui était arrivé.

Un certain nombre d’habitants, les plus notables de la ville de San-Francisco, effrayés des meurtres continuels qui se commettaient chaque jour dans les rues et même dans les maisons, et convaincus de l’impossibilité matérielle dans laquelle, malgré son désir de le faire, se trouvait le gouvernement d’assurer sérieusement la tranquillité publique, s’étaient spontanément réunis en un grand meeting dans le but de remédier promptement au mal.

Puis ils avaient, après une longue et intéressante délibération, formé entre eux une association puissante à laquelle ils avaient donné le nom de Comité de vigilance.

Le comte de Warrens, sir Harry Mortimer et les autres chefs des Compagnons de la Lune avaient naturellement été des premiers à faire partie de cette philanthropique association.

Aussitôt après sa conversation avec le comte, Mouchette, voyant celui-ci bien décidé à se rendre quand même au rendez-vous qui lui était assigné,