Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/102

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— Bah ! vous plaisantez, commandant ! une simple promenade en mer, dit-il en vidant son verre, avec le sourire moitié figue, moitié raisin, qui lui était habituel.

— Hum ! quelle promenade ! mais ces deux bâtiments ?

— Ah ! c’est vrai ! je les avais oubliés, moi !

— Qui sont-ils ?

— L’un, le plus petit, est un vaisseau de la Compagnie des Indes, qui se rendait à Port-Margot lorsqu’il a été, par le travers de Saint-Christophe, amariné par l’autre, le plus grand.

— Et celui-là ?

— C’est un vaisseau espagnol.

— Comment un vaisseau espagnol ?

— Oui. Il est même plus gros que le Robuste. C’est un vaisseau magnifique sorti, il y a cinq mois, des chantiers du Ferrol. Figurez-vous, commandant, qu’en prenant congé de monsieur d’Ogeron, je lui dis : Tant pis pour le premier gavacho qui me tombera dans les griffes, je le troquerai contre ma pirogue quand même ce serait un vaisseau à trois ponts. Je ne croyais pas si bien dire.

— Comment ! vous vous êtes emparé de ce vaisseau ?

— Mon Dieu oui, dit-il placidement.

— Avec vos vingt-cinq hommes ?

— Dame ! Je n’avais pas le temps de retourner en chercher d’autres ; il ne m’aurait pas attendu.

— Pardieu ! voilà qui dépasse toutes les limites du possible !

— Pourquoi donc cela ?

— Mais, si je ne me trompe, ce vaisseau porte soixante-quatorze canons, et huit cents hommes d’équipage ?

— C’est cela même.

— Et vous l’avez pris ?

— J’ai eu l’honneur de vous le dire.

— Mais comment avez-vous fait ?