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Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/104

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raient notre nombre ; ils nous croyaient bien plus forts que nous n’étions ; de plus ils ont une invincible terreur des flibustiers. Je n’eus qu’à faire jeter au milieu d’eux les cadavres du capitaine et des officiers et les menacer de faire sauter le vaisseau, pour les rendre doux comme des agneaux. Ils montèrent un à un sur le pont. Au fur et à mesure, on les garrottait et on les bâillonnait, pour les empêcher d’avertir ceux qui se trouvaient encore en bas. Mais ce qui nous amusa le plus, ce fut la fureur et la rage de ces imbéciles gavachos, quand ils reconnurent qu’ils s’étaient laissé amariner par vingt-trois hommes.

— Cela se comprend.

— Il y avait de quoi mourir de rire. Le plus drôle de cette affaire, c’est que, croyant m’emparer d’un vaisseau j’en avais pris deux. Le Santiago, c’est le nom de l’espagnol, avait le jour précédent, enlevé par surprise un navire de la Compagnie ; il le conduisait tranquillement à Cuba, quand, pour son malheur, je suis venu me jeter tout à travers de sa combinaison.

— Qu’est-ce que vous avez fait de l’équipage, capitaine ?

— J’en ai mis une partie aux fers à bord du vaisseau de la Compagnie ; le reste est demeuré sur le Santiago. Ces gens me gênent beaucoup, commandant ; si je n’avais pas été aussi pressé de vous rencontrer, je m’en serais débarrassé déjà.

— De quelle façon ?

— À la boucanière donc.

— C’est-à-dire ?

— En les accrochant en feston à mes vergues, ou en les jetant à la mer, dit-il de son air le plus placide.

— Oh ! capitaine ! fit le commandant avec horreur.

— Vous vous récriez ! Pourquoi donc ? Montbarts n’agit jamais autrement, et il s’en trouve bien.

— C’est possible, capitaine ; mais nous qui avons l’honneur de servir Sa Majesté, nous n’employons pas ces moyens… expéditifs.

— Ce sont cependant les meilleurs ; à votre aise, com-