— Peut-être, monsieur ; mais pas probablement dans le sens que vous supposez.
— Expliquez-vous, mon ami ! reprit le capitaine avec intérêt.
— C’est ce que je vais faire avec votre permission, messieurs. Si je ne me trompe, je parle, n’est-ce pas, à monsieur le capitaine Guichard, commandant Le Coq, en partance pour la Côte, et à monsieur de Frappel, agent principal de la Compagnie des Indes à Dieppe ?.
— Vous êtes bien renseigné, mon ami ; nous sommes, en effet, les personnes que vous dites, et si c’est à nous que vous avez affaire, nous voici prêts à vous entendre.
— Voici la chose en deux mots, messieurs, reprit le jeune homme : je suis né, il y a quelque vingt-cinq ans, du côté des Sables d’Olonne ; je n’ai jamais connu mes parents qui ne se sont pas plus occupés de moi, que pour ma part, je n’ai songé à eux. J’avais six ou sept ans, je crois, lorsque la pauvre femme qui m’élevait, se noya avec son mari. Au retour de la pêche, la barque que nous montions chavira, dans une saute de vent ; les deux braves pêcheurs disparurent sous l’eau et ne reparurent plus. Moi je fus plus heureux. Tout en nageant, car mon brave père nourricier avait eu soin de m’apprendre à nager si jeune que je fusse, je réussis, je ne sais comment, à saisir un aviron sur lequel je me maintins assez longtemps, pour permettre à d’autres pêcheurs, témoins de notre sinistre, de venir à mon secours et de me sauver.
— Eh ! eh ! fit en riant le capitaine, c’était avoir du bonheur.
— J’ai toujours été heureux ; reprit gaiement le jeune homme. Par la mort de mes pères nourriciers, notre pauvre marmite était renversée ; il fallait vivre ; je m’embarquai mousse. Depuis j’ai constamment navigué ; par tous les temps, sous toutes les latitudes ; à la pêche aux harengs, à la baleine, en Afrique, en Amérique, dans l’Inde ; que sais-je encore ? tantôt comme matelot, tantôt comme maître parfois comme officier ; car je me