Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/12

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d’une transparence remarquables, cette femme devait être fort jeune ; une forêt de cheveux blonds et soyeux, inondaient en boucles parfumées ses épaules et sa poitrine qu’ils voilaient complétement ; ses mains, d’un modèle exquis, d’une blancheur éclatante, sur lesquelles couraient des réseaux de veines bleues, étaient nonchalamment posées sur les bords de la civière ; cette femme semblait être évanouie ; aucun souffle perceptible ne s’échappait de sa bouche mignonne, dont les lèvres pâlies, légèrement entr’ouvertes, laissaient apercevoir une double rangée de dents d’une blancheur nacrée.

Sur un geste du marin, les quatre porteurs s’arrêtèrent près de la cheminée, posèrent doucement la civière sur le tapis ; puis ils sortirent sans prononcer une parole ; derrière eux la porte se referma.

Alors, le marin enleva, comme une enfant, la femme dans ses bras nerveux, et il la plaça dans le lit, où il la coucha avec les plus grandes précautions ; ce devoir accompli, il se chargea de la civière, ouvrit la porte, la remit à un individu qui, sans doute, attendait au dehors ; puis il revint auprès du médecin.

Celui-ci était occupé à donner des soins à la malade.

— Eh bien ? lui demanda le marin au bout d’un instant, avec une anxiété qu’il essayait vainement de dissimuler.

— Eh bien ! elle dort, répondit le médecin, en le regardant fixement.

— Elle dort ?… elle n’est donc pas évanouie ?

— Pas le moins du monde ; vous devez le savoir mieux que personne, je suppose ?

— Pourquoi supposez-vous cela ?

— Parce que c’est vous probablement qui lui avez fait boire le breuvage qui la devait endormir.

Le marin secoua négativement la tête.

— Non, ce n’est pas moi, dit-il ; cela a été fait à mon insu ; si l’on m’en avait parlé, je ne l’aurais pas souffert ; y a-t-il du danger ?