Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/13

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— Aucun, quoique la dose soit forte ; vous avez des amis zélés ; ils savent prévenir vos désirs.

— Je ne vous comprends pas, docteur ; veuillez vous expliquer, je vous prie ? je ne suis pas accoutumé à deviner des énigmes, répondit le marin, avec un accent de hauteur, peu en rapport avec le costume qu’il portait.

— Il n’y a pas la moindre énigme dans mes paroles ; l’explication sera brève, dit froidement le médecin : pour certaines raisons, vous avez sans doute intérêt à ce que cette jeune femme donne le jour à un enfant sans qu’elle même puisse le savoir positivement. Eh bien ! soyez satisfait, monsieur, elle accouchera pendant son sommeil ; de ce côté-là, du moins, ajouta-t-il d’une voix légèrement railleuse, votre secret sera bien gardé.

Le marin, ou soi-disant tel, était en proie à une trop vive préoccupation intérieure, pour remarquer le ton dont ces dernières paroles furent prononcées.

— Ainsi, vous croyez, docteur ?.. murmura-t-il, sans même savoir ce qu’il disait.

— Je ne crois pas, monsieur, je suis certain de ce que j’avance, répondit sévèrement le médecin ; du reste, voici ce qui s’est passé : la grossesse de cette jeune femme est parvenue à sa dernière période ; les douleurs l’ont prise, ce soir, vers sept heures environ ; le roulis et le tangage du léger bâtiment sur lequel elle se trouvait, l’ont beaucoup fatiguée, et ont hâté l’instant de sa délivrance ; les douleurs ont commencé à se succéder avec des redoublements terribles et des crises effrayantes ; alors, un de vos amis, qui probablement s’occupe de médecine, a déclaré que la malade ne pourrait pas résister à ses souffrances, si l’on ne lui procurait pas un peu de repos ; en conséquence, cet ami lui fit prendre une liqueur que, sans doute, il s’était procurée à l’avance, et il la lui versa, par cuillerées, dans la bouche ; la malade se calma en effet, car elle tomba aussitôt dans un sommeil ou plutôt dans une léthargie si