Coq, bien que sa position eût considérablement varié, depuis qu’il avait été signalé la première fois.
Le capitaine Guichard en prenant l’Olonnais pour second lieutenant, avait fait preuve d’une rare perspicacité ; il était impossible de faire un meilleur choix. En effet, l’Olonnais était pour ainsi dire né sur la mer ; c’était elle qui avait bercé sa première enfance ; il l’avait parcourue dans tous les sens, sans jamais la quitter ; il l’aimait avec une adoration superstitieuse, convaincu que toutes ses joies lui viendraient d’elle. Il ne se sentait réellement lui-même, que lorsque ses pieds posaient sur le pont d’un navire. Depuis plus de vingt ans qu’il courait l’univers d’un bout à l’autre, il avait assisté à bien des ouragans, enduré bien des fatigues, souffert bien des privations et constamment lutté contre la mort, avec laquelle cent fois sans pâlir, il s’était trouvé face à face. Aussi possédait-il son état de marin jusque dans les plus infimes détails ; et avait-il acquis, sans même s’en douter, cette présence d’esprit, cette spontanéité de pensée et cette promptitude d’exécution, sans lesquelles il n’est point de bon marin.
Il reconnut dès qu’il eut relevé la position exacte du navire inconnu, que ce bâtiment était un croiseur espagnol ; que, ne voulant pas par paresse ou nonchalance, amariner le bâtiment de la Compagnie pendant la nuit, il se contentait de le convoyer d’assez près pour qu’il ne lui échappât point ; mais d’assez loin cependant, sachant la mauvaise garde que font les bâtiments de commerce, pour ne pas être aperçu de lui pendant les ténèbres, se réservant de s’en emparer au lever du soleil.
Ce calcul était d’une exactitude rigoureuse ; il aurait réussi, avec tout autre officier, que celui qui commandait en ce moment le quart à bord du Coq. L’Olonnais n’était pas homme à se laisser tromper aussi facilement. Son parti fut pris en une seconde. Il n’y avait qu’un moyen à essayer pour échapper à la curiosité de ce rôdeur ; lui donner le change en faisant fausse route. Pendant les quatre heures de son quart, l’Olonnais lutta de ruse et