de finesse avec l’ennemi ; virant de bord, venant au vent, laissant arriver, et faisant prendre à son navire cent allures différentes. À minuit on n’apercevait plus l’inconnu ; peut-être avait-il perdu le Coq, peut-être avait-il éteint ses feux, et s’était-il ainsi dérobé derrière l’épais rideau des ténèbres.
Lorsque M. de Villenomble monta sur le pont, le capitaine ne faisant que le quart du matin ; ainsi que cela se pratique sur tous les bâtiments du commerce, les deux officiers alternant le grand quart ; lorsque monsieur de Villenomble monta sur le pont, pour prendre le quart à son tour, l’Olonnais lui rendit un compte détaillé de ce qui s’était passé et de ce qu’il avait fait.
Le comte Horace sourit avec suffisance.
— Mon cher lieutenant, dit-il, vous dormez tout debout, allez vous reposer, vous en avez besoin ! Sur ma foi vous n’êtes pas éloigné de prendre des vessies pour des lanternes ! Ce que vous me racontez là, n’existe en réalité que dans votre imagination !
— Prenez-y garde, monsieur ! reprit l’Olonnais, je vous répète que nous sommes chassés par un croiseur espagnol.
— Où est-il ? Montrez-le moi ? répondit le comte.
— Il a disparu depuis une heure ; j’ai réussi je crois à lui donner le change.
— Allons donc ! le change ! à une baille à braie ! Laissez venir le jour et vous verrez, monsieur, combien vous vous êtes trompé, fit le comte avec un dédain railleur.
— Je le désire vivement, monsieur, mais je ne le crois pas ; je crains fort que les événements me donnent raison.
— Vous êtes jeune, monsieur, et vous êtes naturellement porté à vous exagérer votre importance. C’est un défaut dont vous vous corrigerez je l’espère ; il ne faut pas de parti pris en marine.
— Je le sais mieux que personne, monsieur ; aussi je