Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/162

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sœur, vous demandera à vous : Caïn, qu’as-tu fait de mon fils ?…

Tous les témoins de cette scène terrible étaient anxieux, haletants. Seul le comte Horace, l’œil étincelant, les narines dilatées, se tenait fier et provoquant en face du tribunal. Il croyait avoir vaincu…

Le commandant se leva.

— Assez ! s’écria-t-il avec un accent formidable. Ici, je vous le répète, vous n’avez que des juges. Je suis votre oncle, dites-vous ? Erreur, monsieur. Si le même sang coule dans nos veines, sachez que lorsque j’en ai de mauvais, je me le fais tirer ! Vous ne m’êtes plus rien, je ne vous connais pas ! Répondez aux questions que je vous adresse en qualité de président du conseil. Pourquoi avez-vous tué cet homme ?

— Il m’avait provoqué, répondit le comte Horace, dominé par cet accent si ferme.

— Mensonge ! Vous vous étiez introduit avec effraction dans la cabine du duc de la Torre, le capitaine est venu à son secours.

— Il a levé son poignard sur moi.

— Vous mentez encore ! Surpris dans l’accomplissement de votre crime, sans provocation vous lui avez fendu la tête d’un coup de hache.

— Eh bien ! soit. Après tout, qu’importe ? j’ai tué cet homme, n’était-ce pas un manant ? que signifie cette mort ? Rien. Ne suis-je pas gentilhomme ? Allons donc ! Ceci est du dernier plaisant. Depuis quand un gentilhomme n’a-t-il plus le droit de corriger ces espèces ? D’ailleurs, avant tout, j’en appelle à M. de Colbert, c’est à lui seul, qu’il appartient de juger cette stupide affaire.

— Vous vous trompez, monsieur. Nous sommes ici sur les côtes de l’île de Cuba, je suis haut justicier et seul juge suprême, à bord de ce vaisseau dont S. M., que Dieu conserve ! m’a confié le commandement. Vous connaissez la loi, monsieur ?

— Peut-être l’ai-je connue, mais je l’ai oubliée, répondit-il avec indifférence.