dait sur tout le territoire compris entre le cap Lobos au midi jusqu’au cap de Samana vers le nord-ouest. Cet immense territoire contient nombre de belles savanes, arrosées par de grandes rivières, très-commodes pour les communications commerciales ; les côtes jusqu’au cap Tiburon étaient, ou plutôt sont frangées de ports, dans lesquels des flottes entières peuvent se mettre à l’abri ; puis deux îles de quelques lieues de tour, l’île à la Vache, à l’est de Saint-Domingue, et l’île de la Tortue à l’est, le berceau de le flibuste, complétaient cette magnifique colonie. Les villes les plus belles et les plus riches de la partie française de l’île étaient le Port-Margot, Port-de-Paix et Léogane.
La veille du jour où nous reprenons notre récit, l’escadre improvisée de M. de Lartigues, composée des vaisseaux le Robuste, le Santiago et du trois-mâts le Coq, était entrée dans la rade de Léogane et avait jeté l’ancre sur une seule ligne, juste en face de la ville, au milieu d’une vingtaine de bâtiments flibustiers de toutes sortes et de toutes grandeurs ; depuis la pirogue longue à cinquante rames, jusqu’à la frégate de cinquante canons ; il va sans dire, que tous ces bâtiments, à bien peu d’exceptions près, étaient de construction espagnole.
Il était près de midi. Deux hommes étaient attablés avec une cruche de vin entre eux, devant le cabaret alors célèbre de l’Ancre dérapée ; tout en fumant leurs pipes, ces deux hommes, qui n’étaient rien moins que nos anciennes connaissances, l’Olonnais et Pitrians, regardaient curieusement le spectacle bizarre qu’ils avaient sous les yeux.
En effet rien n’était plus singulier, plus étrange pour des étrangers arrivant d’Europe et débarqués de la veille, que l’aspect de la foule bariolée qui défilait sans interruption sous leurs yeux. Jamais Callot n’avait eu au bout de son ingénieux crayon, des types de bohèmes et d’aventuriers, aussi pittoresques et aussi fantastiques.
Les uns, revêtus de costumes d’une richesse tellement incroyable qu’elle en était presque ridicule, couverts