Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/187

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— Je vous écoute, capitaine.

Pitrians et son frère causaient entre eux avec une grande animation sans prêter aucune attention à ce que Vent-en-Panne et l’Olonnais se disaient.

Le boucanier reprit après un instant de profonde méditation.

— Nous sommes du même pays ou à peu près ; je suis de Luçon. Tu connais Luçon, hein ?

— Pardieu ! c’est la ville la plus crottée et la plus ennuyeuse que j’aie jamais vue !

— C’est cela même, dit en riant le boucanier. Je ne sais pourquoi, mais je veux que le diable m’emporte si je ne me suis pas pris pour toi d’une vive amitié.

— Vous me rendez heureux en me parlant ainsi, capitaine ; la même chose m’est arrivée à moi-même quand je vous vis pour la première fois.

— Vrai ? s’écria joyeusement le boucanier.

— Sur l’honneur, capitaine.

— Merci. Mais à propos, fais-moi le plaisir de me parler comme je te parle et me dire tu et frère, et non capitaine, car je pourrais t’en rendre autant et mieux encore. Je suis une espèce d’ours, moi ; je vis toujours seul, eh bien ! je ne sais ni pourquoi ni comment il me vient une envie extrême de t’avoir pour matelot. Veux-tu être mon matelot, dis, l’Olonnais ?

— Vous me faites… mais se reprenant aussitôt sur un geste de Vent-en-Panne, tu me fais le plaisir le plus grand, veux-je dire ; tu me causes la joie la plus vive que jamais j’aie ressentie ; c’est mettre le comble à toutes tes bontés que de me faire une telle proposition !

— Alors tu acceptes ?

— Certes ! plutôt mille fois qu’une !

— C’est donc entendu ! Embrasse-moi, matelot !

— Oh ! de grand cœur !

Les deux hommes tombèrent dans les bras l’un de l’autre.