Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/188

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— Mais ce brave Pitrians, le crocodile, fit en riant l’Olonnais, c’est mon plus ancien ami.

— Qu’importe cela ! il le sera toujours ; seulement nous, nous serons matelots.

— Ne t’inquiète pas de moi, l’Olonnais, lui dit alors son ancien compagnon qui justifiait son nouveau surnom en pleurant comme un veau ; mon frère et moi nous venons de nous amateloter. Je lui devais la préférence, pas vrai ? Mais c’est égal, toi et moi nous serons toujours de bons et véritables amis.

— Oui, dit Pitrians senior d’une voix lugubre, c’en est fait, Vent-en-Panne, le petiot est mon matelot.

— Tu as eu raison de le prendre, frère ; je l’ai vu à l’œuvre, c’est un homme, tu peux être tranquille.

— Tu me fais grand plaisir en me disant cela, Vent-en-Panne. Comme depuis que je cause avec lui le petiot semble changé en fontaine, j’avais peur qu’il ne fût qu’une poule mouillée.

Le frère de la Côte débita cette plaisanterie terminée par un ébrouement qui voulait être un rire, d’un ton à faire frissonner l’homme le plus brave.

— Maintenant à nous deux, l’Olonnais, reprit Vent-en-Panne, d’un air de bonne humeur.

— À tes ordres, matelot.

— Je dois t’instruire de tes devoirs, car probablement tu ne te doutes pas le moins du monde de ce que nous entendons pas être matelots.

— Je suppose que c’est être amis, s’aimer comme des frères. Pour moi, ce sera très-facile : je t’avoue que je t’aime comme si je te connaissais depuis vingt ans.

— Merci, moi de même. Mais tu n’y es pas quoiqu’il y ait un peu de ce que tu dis. Tu vas voir ; c’est très-simple.

— Parle, frère ; je suis tout oreilles.

— Écoute donc et profite. Le matelotage est une des plus sérieuses institutions de la flibuste. Il a été créé par les premiers frères de la Côte dans le but de nous réunir en un faisceau compact et fraternel. Lorsqu’une