Nous noterons en passant ce fait caractéristique de l’étrange association des Frères de la Côte :
Aucune maison ne fermait ; tout flibustier, que le maître y fût ou n’y fût pas, avait le droit d’entrer, de se faire servir par les engagés ce que bon lui semblait et même d’y demeurer tout le temps qu’il lui plaisait, sans que jamais le propriétaire le trouvât mauvais, ou fit même la plus légère observation à son hôte sur la durée de son séjour.
C’était l’hospitalité antique dans toute son extension ; sans phrases et sans ostentations ; la seule vraie, la seule bonne.
Du reste, jamais un frère de la Côte n’abusait de l’hospitalité, non pas qu’on lui donnait, mais bien qu’il s’offrait ainsi à soi-même ; il était au contraire d’une discrétion et d’une délicatesse extrêmes. Sans doute il songeait que ce qu’il faisait chez un autre, n’importe lequel des associés le faisait ou du moins le pourrait faire au même moment chez lui : de là cette retenue.
— Frères, dit Montbarts entre deux bouffées de fumée, vous voyez en moi, non pas un ambassadeur, le mot est trop ambitieux, mais un délégué du Conseil des Douze.
— Bah ! s’écrièrent les autres.
— Ma foi oui, reprit-il. Ainsi veuillez je vous prie me traiter avec tout le respect et le sérieux que la circonstance exige. À votre santé ! ajouta-t-il.
— À la tienne, répondirent les boucaniers.
— Veux-tu de la musique ? demanda Vent-en Panne avec un grand sérieux.
— Merci, c’est inutile. Vrai ! c’est à mourir de rire ! les membres du Conseil ont pris la chose au tragique ; ils ne tarissent pas sur le compte de nos nouveaux frères l’Olonnais et le Crocodile.
— Vrai !
— Positivement, c’est à faire dresser d’admiration les cheveux sur la tête. J’aurais voulu te voir là, Pitrians, et toi aussi Vent-en-Panne.