Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/228

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Nous la copions donc textuellement dans le volume poudreux, à demi-rongé des vers, où nous avons puisé les principaux éléments de notre récit.

L’année 1659 est demeurée dans le souvenir des marins et dans celui des habitants des colonies américaines comme une date sinistre.

En effet, pendant le cours de cette année fatale, les côtes de terre ferme, depuis le cap Rau à l’extrémité de Terre-Neuve, jusqu’au cap San-Roque sur la côte de Natal et toutes les îles si capricieusement semées dans cette partie de l’Atlantique, et à l’entrée du golfe du Mexique ; c’est-à-dire sur un parcours de plusieurs milliers de milles marins, furent ravagées par des tourmentes, des tempêtes, des ouragans, des raz de marée, des cyclones, auxquels se joignirent, comme si cette collection de calamités n’était pas suffisante pour amener un effroyable cataclysme, des éruptions volcaniques et des tremblements de terre, qui causèrent la mort de milliers d’individus ; renversèrent de fond en comble des villes florissantes et occasionnèrent des pertes irréparables.

Ces fureurs de la nature, contre lesquelles tous moyens de défense sont impuissants, frappèrent d’une superstitieuse terreur ces malheureuses populations, ruinées sans retour et impitoyablement décimées. Leurs souffrances étaient si cruelles, qu’elles perdirent tout espoir ; ne se sentirent plus le courage de vivre et se mirent à errer comme des bêtes fauves ; sans but et sans pensées, à travers les débris informes de leurs demeures.

Ce fut surtout pendant le printemps de cette année, que les ouragans sévirent avec le plus de force sur le littoral américain, et plus particulièrement dans les îles.

Pendant près de six semaines, ces tempêtes se succédèrent presque sans interruption avec une intensité si grande, que certaines îles basses furent presque complétement submergées.