Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Depuis cinq jours un effroyable ouragan s’était abattu sur l’île de Saint-Domingue et grondait avec furie sur ses côtes ; un cyclone parcourait les savanes, bouleversant et renversant tout sur son passage ; les cases avaient été réduites en poussière ; des arbres, plusieurs fois centenaires, tordus comme des fétus de paille, étaient emportés dans l’espace ; de sourds mugissements sortaient des profondeurs inconnues des mornes, se mêlant aux éclats stridents de la foudre : les lames blanches d’écume, hautes comme des montagnes, accouraient du large avec une rapidité vertigineuse, et venaient se briser sur la plage avec des remous terribles, et un bruit comparable à celui de cent batteries d’artillerie ; enlevant dans leur retraite tous les objets qu’elles avaient recouverts ; les embarcations emportées par ces lames furieuses revenaient, avec un bruit horrible, se briser contre les rochers.

Çà et là au milieu des débris des maisons, des meubles de toutes sortes, et d’arbres déracinés, on voyait surgir des cadavres d’hommes ou d’animaux domestiques.

La désolation était à son comble ; les habitants épouvantés par un si grand désastre, réfugiés avec le peu qu’ils avaient réussi à sauver sur le sommet des hauteurs, assistaient, en proie à une douleur poignante, aux ravages causés par cet effroyable fléau. Quelques-uns priaient, d’autres blasphémaient, levaient le poing vers le ciel, avec des gestes de menace, en s’arrachant les cheveux de désespoir ; mais le plus grand nombre, accroupis sur le sol, la tête basse, jetaient autour d’eux des regards sans expression, avec une résignation stupide, ne voyant et n’entendant rien ; complétement anéantis.

Pendant la nuit du 2 au 3 mai, l’ouragan sembla un peu diminuer d’intensité.

Le 3 au matin, le soleil bien qu’à demi-voilé sous les nuées, se leva au milieu d’un calme relatif.

Cependant le temps était lourd, le jour gris ; les nuages très-bas et bordés d’une large bande jaunâtre,